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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 23

Le mardi 7 décembre 2004
L'honorable Shirley Maheu, Présidente intérimaire


 

LE SÉNAT

Le mardi 7 décembre 2004

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SENATEURS

LA JOURNÉE NATIONALE DE COMMÉMORATION ET D'ACTIVITÉS CONCERNANT LA VIOLENCE DIRIGÉE CONTRE LES FEMMES

LE QUINZIÈME ANNIVERSAIRE DE LA TRAGÉDIE DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, hier, le 6 décembre, marquait le 15e anniversaire du massacre de 14 femmes à l'École Polytechnique de Montréal. D'un océan à l'autre, plusieurs cérémonies ont été organisées pour souligner cette Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Nous nous sommes souvenus, avec une grande tristesse, de la perte de ces étudiantes qui avaient tout leur avenir devant elles. Plusieurs d'entre nous se rappelleront toujours de l'endroit où nous étions lorsque cette nouvelle a été annoncée.

Aujourd'hui, nous avons également une pensée pour toutes les femmes et les jeunes filles décédées suite à des actes de brutalité dirigés expressément contre elles.

Au cours des années, le 6 décembre est devenu plus qu'une simple journée commémorative. Ce jour est l'occasion d'affirmer notre solidarité à celles qui vivent encore sous la menace de la violence et de dénoncer vigoureusement cette réalité bien présente dans nos collectivités.

Amnistie Internationale a déclaré récemment que les femmes autochtones sont victimes de violence deux fois plus que les autres Canadiennes. Amnistie Internationale décrit le cas des femmes et des jeunes filles autochtones qui sont disparues ou qui ont été tuées pour dénoncer l'indifférence des autorités publiques à l'égard des sévices commis à l'endroit des femmes autochtones.

Dans une société juste et égalitaire comme la nôtre, cette situation est intolérable. Toutes les Canadiennes ont le droit de vivre en sécurité et dans la dignité. Le crime de l'École Polytechnique a encouragé l'adoption d'une loi plus stricte sur les armes à feu. Aujourd'hui, le taux d'homicides par armes à feu a diminué. Outre la résolution de quelques problèmes dans l'administration et l'application de cette loi, aucun changement à cette législation ne doit être permis. Nous ne devons pas céder sous la pression. Au contraire, il faut insister pour le maintien de la loi et le maintien du registre des armes à feu, élément perçu par plusieurs familles des victimes comme un monument à la mémoire des jeunes femmes qui ont été tuées.

Le Canada est l'un des pays les plus avancés au monde sur le plan de l'égalité des sexes et des droits des femmes. Notre société est aujourd'hui plus consciente de la violence faite aux femmes qu'il y a 15 ans. Toutefois, il existe encore des comportements inacceptables et des attitudes menant à la sauvagerie contre les femmes.

En mémoire à toutes les femmes qui sont victimes de violence au Canada, je vous invite à continuer à vous intéresser aux effets néfastes de ce phénomène dans nos vies et dans nos collectivités. C'est un fléau social dont il faut se débarrasser à tout prix. Nous nous souviendrons toujours des 14 victimes de l'École Polytechnique.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, hier marquait la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Chaque année, le 6 décembre, nous nous souvenons des 14 jeunes étudiantes en génie qui, en 1989, ont été tuées à l'École Polytechnique, à Montréal. Ces jeunes femmes sont mortes du simple fait qu'elles étaient des femmes. Quinze ans plus tard, il est encore difficile de croire qu'un tel événement a pu se produire au Canada, bien que la haine et la brutalité sous-jacentes à ce crime soient encore évidentes dans notre société, comme l'a dit madame le sénateur Pépin, dans des situations moins publiques mais non moins douloureuses.

Établie en 1991 par le gouvernement Mulroney, cette journée de commémoration nous donne l'occasion, d'une part, de rendre hommage aux jeunes femmes que nous avons perdues il y a 15 ans et, d'autre part, de jeter un coup d'oeil à la violence que subissent actuellement trop de femmes et de jeunes filles au Canada. Des progrès ont été réalisés à l'égard d'une véritable égalité des sexes au Canada, mais il reste encore beaucoup à faire. Il appert qu'une Canadienne sur quatre subit la violence de son compagnon. Par conséquent, de nombreux enfants sont témoins de la douleur et de l'humiliation de leur mère. Par ricochet, nombre de ces enfants perpétueront eux aussi ce cycle de violence ou en deviendront eux-mêmes les victimes.

Au cours des 15 dernières années, cette question a retenu énormément d'attention, comme il se doit, mais de nombreuses femmes souffrent encore en silence. Elles ne voient pas comme échapper aux mauvais traitements dont elles font l'objet, que ce soit sur le plan physique, sexuel ou psychologique.

En tant que pays, nous devons clairement faire savoir que la violence est inadmissible, quelle qu'en soit la forme, et nous devons faire tout en notre pouvoir pour éduquer nos fils est nos filles à cet égard. Même si les Canadiennes jouissent de nombreux avantages par rapport aux femmes dans d'autres pays du monde, lorsqu'il s'agit de ce problème, le Canada n'est pas à l'abri.

Je sais que tous les honorables sénateurs vont reconnaître que nous devons nous employer à éliminer la violence qui s'exerce en fonction du sexe et la subordination des femmes et des jeunes filles, afin qu'elles puissent mener une vie productive et heureuse sans crainte. De cette façon, nous allons vraiment honorer la mémoire de ces 14 jeunes femmes qui n'ont jamais eu la chance de mener une vie bien remplie et utile.

(1410)

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, au cours des 15 dernières années, dans cette enceinte, nous avons pris le temps d'honorer la mémoire de 14 jeunes femmes qui avaient une journée normale à l'École Polytechnique de Montréal lorsqu'elles ont été abattues par un jeune homme plein de haine, du fait même de leur présence dans cette institution.

Ce qui est connu depuis comme la journée du massacre de Montréal est devenu le jour durant l'année où les femmes et les hommes, jeunes et vieux, dans tous les coins du pays, dans le cadre de grandes manifestations silencieuses, en petits groupes ou seuls, allument des bougies, offrent des roses ou pensent intérieurement à cette tragédie non seulement pour se rappeler, mais également pour mettre en lumière l'horreur continuelle de la violence et des abus contre les femmes au Canada, dans la rue, dans les foyers et à l'intérieur des établissements d'enseignement.

Les statistiques varient, mais demeurent constamment élevées chaque année. Plus de 50 p. 100 des Canadiennes ont été victimes d'au moins un acte de violence physique ou sexuel depuis l'âge de 16 ans. Les dernières statistiques sur les homicides entre conjoints montrent que quatre victimes sur cinq étaient des femmes et que, parmi celles-là, 29 p. 100 ont été poignardées, 26 p. 100 abattues avec une arme à feu, 19 p. 100 battues à mort et 17 p. 100 étranglées.

Nous pourrions penser que le Canada est un endroit sûr, que ce soit dans les maisons ou dans la rue. La réalité nous dit qu'il en est tout autrement. C'est pourquoi, en tant que nation, nous avons établi un système de contrôle des armes à feu. Cette initiative a pris un grand élan à la suite de cette tuerie à Montréal, grâce aux membres des familles et à des femmes dévouées comme Wendy Cukier et Heidi Rathgen.

Cependant, ces jeunes femmes qui ont été abattues dans les salles de classe, les couloirs et la cafétéria de leur collège n'ont pas été assassinées seulement parce que le tueur haïssait les femmes. Ce dernier était également obsédé par la place qu'elles occupaient dans la société moderne. Après avoir séparé les jeunes hommes des jeunes femmes, il a commencé à abattre ces jeunes victimes en les traitant de féministes, avant de se suicider.

Si les Canadiens ont réellement mis à profit les leçons tirées de ce tragique événement, je souhaite que ce soit à l'égard du rôle des femmes dans tous les segments de la société et que ce soit en vue d'encourager les jeunes femmes à poursuivre le même objectif que les victimes de l'École Polytechnique, à savoir d'être des partenaires égales des hommes dans la société concurrentielle du XXIe siècle.

En notre qualité de parlementaires, nous devons, à tout le moins, épouser une cause, quelle qu'elle soit, qui donnera aux femmes une chance égale de concurrencer et de réussir au sein d'un environnement sûr et respectueux. Ce faisant, honorables sénateurs, nous honorerons les amis et les familles des 14 jeunes étudiantes qui n'ont jamais eu la chance de choisir leur destinée et de réaliser leurs rêves. Nous partageons leur peine et nous aspirons à un avenir meilleur.

L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

LA NOUVELLE USINE DE TRANSFORMATION DU BOEUF DANS LES MARITIMES

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je félicite les producteurs de boeuf des provinces maritimes et je leur offre mes meilleurs voeux au moment où la nouvelle usine de transformation du boeuf s'apprête à entrer en activité à l'Île-du-Prince-Édouard.

L'usine Atlantic Beef Products est le fruit d'un partenariat unique entre les producteurs de boeuf de la région, un partenaire commercial et les gouvernements fédéral et provincial. Grâce à cette initiative stimulante, les producteurs de boeuf des Maritimes sont en mesure de mieux planifier l'avenir de leur industrie tout en répondant aux besoins du marché régional.

La Coop Atlantique, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard et les producteurs de boeuf ont investi conjointement plus de 10 millions de dollars dans cette usine ultramoderne. Le gouvernement fédéral a également assumé le tiers des coûts de la nouvelle usine de traitement des déchets de 4,5 millions de dollars.

Les producteurs ont reconnu qu'il était crucial pour l'avenir de l'industrie du boeuf dans les Maritimes de posséder et d'exploiter leur propre usine de transformation.

Lorsque l'usine sera pleinement opérationnelle, on transformera chaque semaine quelque 500 têtes de bétail. Soixante-dix nouveaux emplois seront également créés. L'usine assure un marché aux producteurs, et la demande pour les produits du boeuf croît dans la région et ailleurs.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral étudie la possibilité d'injecter des sommes d'argent dans un nouveau dispositif de dépistage qui permettra de redonner encore davantage confiance aux consommateurs dans la salubrité et la qualité des produits du boeuf de l'Atlantique.

Honorables sénateurs, la crise de l'ESB a attiré l'attention sur le fait que le Canada n'a pas une capacité suffisante de transformation et qu'il doit mieux contrôler l'avenir de son industrie bovine. La création d'une nouvelle usine de transformation de la viande de boeuf au Canada atlantique illustre ce qui peut être fait pour adopter de nouvelles mesures à valeur ajoutée et donner aux producteurs un meilleur contrôle sur l'avenir de leur industrie.

Je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter tout le succès possible à cette entreprise.

L'ENVIRONNEMENT

LA PROPOSITION DE LA FORÊT BORÉALE DE PART ET D'AUTRE DE LA FRONTIÈRE DU MANITOBA ET DE L'ONTARIO COMME SITE DU PATRIMOINE MONDIAL

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, il y a plusieurs mois, le ministre de l'Environnement a publié la nouvelle liste canadienne des sites du patrimoine mondial qu'il propose en vertu de la Convention adoptée en 1972 par l'UNESCO, organisme des Nations Unies. Des dizaines de sites ont été envisagés, mais seulement onze ont été retenus, notamment les 4,3 millions d'hectares de la forêt boréale qui s'étend de part et d'autre de la frontière du Manitoba et de l'Ontario et qui comprend plusieurs parcs provinciaux ainsi que des secteurs exploités depuis toujours pour leurs ressources par les Premières nations.

Cette semaine, le gouvernement du Manitoba a fait mention du site proposé dans son discours du Trône. Les Premières nations de la région voient également dans la désignation éventuelle de l'UNESCO un moyen de sauvegarder leur vision de la forêt et de garantir l'exploitation traditionnelle de leur territoire.

Certains sénateurs se rappelleront que le Comité de l'énergie a publié, il y a cinq ans, sous la présidence de l'ancien sénateur Nick Taylor, un rapport intitulé « Réalités concurrentes : la forêt boréale en danger ». Nous avons recommandé que 20 p. 100 de cette forêt menacée soient désignés comme étant des régions protégées contre tout développement industriel. Le rapport, dont les recommandations n'ont toujours pas été mises en application, a considérablement influencé le débat sur le statut et l'avenir de la forêt boréale.

J'en suis sûre, d'autres endroits envisagés comme sites du patrimoine mondial méritent bien de figurer sur la liste canadienne; cependant, compte tenu des opinions que nous avons publiées au sujet de la préservation d'une certaine partie de cet écosystème précieux, j'espère que ce site particulier, au coeur de la forêt boréale, sera envisagé favorablement. Je sais que d'autres sénateurs endosseront cette prise de position.

[Français]

LA FRANCOPHONIE

LE SOMMET TENU AU BURKINA FASO

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'ai eu le privilège d'assister au 10e Sommet de la Francophonie tenu à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, la semaine du 22 novembre 2004. C'était mon premier sommet ainsi que ma première visite en Afrique. Lors de mon séjour à Ouagadougou, j'ai aussi fait partie de la délégation canadienne qui a accompagné le premier ministre au Soudan.

J'ai tout d'abord été surprise de l'accueil chaleureux des résidents de Ouagadougou et de leur grande joie de recevoir des Canadiens, pour ensuite prendre conscience d'une réalité de pauvreté extrême.

Honorables sénateurs, j'ai vu les enfants de Ouagadougou et les enfants du Camp Mayo, au Soudan. J'ai vu des villages sans école, sans dispensaire, et parfois sans eau ni hygiène. J'ai vu, par ailleurs, des palais et des résidences des plus luxueuses. Cependant, j'ai aussi vu une francophonie déterminée à contribuer, avec l'ensemble de la communauté internationale, au règlement des graves problèmes qui assaillent le monde.

C'est une expérience mémorable que de voir ces chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage renouveler l'expression de leur solidarité avec le continent africain.

Cette francophonie compte un grand nombre de pays parmi les plus pauvres. Conséquemment, les plus démunis doivent pouvoir compter sur les plus fortunés pour qu'ils les aident à honorer les engagements pris dans le cadre des grandes conventions internationales.

Le thème du sommet, « Espace solidaire pour un développement durable », préconisait une démarche qui responsabilise tant les pays donateurs que les pays récipiendaires.

Le développement durable se situe au cœur même d'initiatives telles que l'éducation pour tous, de l'eau potable et de l'assainissement, de la santé primaire, de la gouvernance politique et économique, de la lutte contre le terrorisme, contre la pauvreté et de la diversité linguistique et culturelle. J'ai donc été très fière du Canada et de son rôle de leader dans ce domaine.

(1420)

En inaugurant une petite école à Tanghin, au Burkina Faso, le premier ministre a évoqué la contribution de 17,8 millions de dollars en développement de l'éducation que le Canada a faite dans le pays. Il a déclaré : « Quand on parle d'aide, il faut que ce soit de l'aide qui dure et je ne peux pas penser à des choses plus importantes que la santé et l'éducation parce que c'est vraiment l'investissement dans l'avenir d'un pays. »

Les chefs d'État et de gouvernement, en ce 10e Sommet de la Francophonie, ont réitéré cet engagement : il faut créer des conditions optimales pour permettre d'assurer un développement durable en s'attaquant résolument, entre autres, à la pauvreté extrême, à l'analphabétisme et à garantir l'éducation pour tous. Le message du Canada souligne qu'il faut résoudre les problèmes tout en changeant profondément l'état d'esprit qui les a engendrés depuis des années.

Honorables sénateurs, je suis très fière de notre pays et des valeurs fondamentales qu'il préconise.

[Traduction]

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de M. Mike Delisle, grand chef mohawk de Kahnawake, et de M. Andrew T. Delisle, ancien grand chef et récipiendaire pour cette année du Prix national d'excellence décerné aux Autochtones pour l'ensemble de sa carrière. Ils sont les invités du sénateur Gill.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à tous deux au Sénat du Canada.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE CONSEIL DU TRÉSOR

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2004

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport du président du Conseil du Trésor intitulé Le rendement du Canada, rapport annuel au Parlement 2004.

[Traduction]

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2004-2005

PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES SUR LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES « A » 

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget supplémentaire des dépenses « A » 2004-2005.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui à la page 259.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Oliver, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ÉTUDE CONCERNANT LA POLITIQUE SUR LA SÉCURITÉ NATIONALE

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Manuel de sécurité du Canada, Édition 2005 : Le point sur les problèmes de sécurité à la recherche de solutions.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Kenny, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LES QUESTIONS CONCERNANT L'AFRIQUE

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier, en vue d'en faire rapport, les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique; ainsi que d'autres sujets connexes;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2006.

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a entrepris une étude sur l'eau au Canada. Il a déjà entendu plusieurs témoins, y compris le ministre de l'Environnement. Cet après-midi, à 17 heures, nous avons planifié une rencontre avec le ministre des Ressources naturelles. Par conséquent, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 17 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Si je puis me permettre, j'ai une question à poser au président. A-t-il consulté le vice-président et le whip de ce côté-ci relativement à la tenue de cette réunion à 17 heures aujourd'hui, comme il ne peut être fait exception à la règle que pour des ministres?

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, je n'ai pas consulté le whip de l'autre côté. J'ai cependant consulté le vice-président, car la réunion et la présence du ministre ont été planifiées il y a plusieurs semaines.

Le sénateur Stratton : Est-ce le moment où le comité siège normalement?

Le sénateur Banks : Je ne peux dire que c'est normal. L'heure « normale » est 17 heures, ou après l'ajournement du Sénat. C'est donc, jusqu'à un certain point, l'heure normale.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION EXHORTANT LE GOUVERNEMENT À RÉDUIRE CERTAINS REVENUS ET À APPLIQUER UNE PARTIE DE LA TAXE SUR LES BIENS ET SERVICES À LA RÉDUCTION DE LA DETTE

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis, conformément à l'alinéa 58(1)i) du Règlement, que, à la prochaine séance du Sénat je proposerai :

Que le Sénat exhorte le gouvernement à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers pour les contribuables à faible ou à moyen revenu;

Que le Sénat exhorte le gouvernement à arrêter de percevoir des sommes en trop auprès des Canadiens et à réduire les cotisations d'assurance-emploi de manière que les recettes annuelles de ce programme cessent d'être considérablement plus élevées que les dépenses de programmes annuelles;

Que le Sénat exhorte le gouvernement, dans chaque budget à partir de maintenant, à fixer un montant pour la réduction de la dette équivalant à au moins les deux septièmes des recettes nettes que l'on prévoit recueillir au moyen de la taxe sur les produits et services; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'inviter à se joindre au Sénat aux fins exposées ci-dessus.

(1430)

L'ACCÈS AUX RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS LORS DES RECENSEMENTS

PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter des pétitions signées par 517 Canadiens de la Colombie- Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario qui veulent mieux connaître leur généalogie, ainsi que par 89 Américains habitant dans huit États des États-Unis qui recherchent leurs racines canadiennes. Au total, 606 pétitionnaires disent ceci :

Vos pétitionnaires demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour modifier rétroactivement les articles de la Loi sur la statistique portant sur la confidentialité et la protection des renseignements personnels depuis 1906, afin de permettre la publication, au bout d'un délai raisonnable, des données des recensements faits après 1901, à commencer par celles du recensement de 1906.

Compte tenu des 20 987 signatures que j'ai présentées au cours de la 37e législature et de plus de 6 000 au cours de la 36e législature, j'ai maintenant présenté des pétitions signées par 29 343 personnes qui demandent toutes une suite immédiate à cet aspect très important de l'histoire canadienne.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES FINANCES

LES LIGNES DIRECTRICES SUR LES FUSIONS DES BANQUES

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, le gouvernement avait promis de prendre une décision au sujet des lignes directrices ou règles de base relatives aux fusions des banques avant la fin de juin 2004. Puis, le ministre a déclaré que, pour une raison ou une autre, il lui avait été impossible de respecter ce délai. Dernièrement, ses déclarations sur le sujet ont été plutôt ambiguës.

La question des fusions des banques est en suspens depuis 1998, soit depuis que le premier ministre, alors en sa qualité de ministre des Finances, a rejeté deux projets de fusion. Nous voici presque à la mi-décembre 2004 et, si je comprends bien, le Parlement est sur le point d'ajourner pour environ six semaines. Le leader du gouvernement au Sénat aurait-il l'obligeance de nous dire pourquoi on tarde à prendre une décision à cet égard et quand on fera une annonce concernant les lignes directrices?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais m'informer. Le sénateur Oliver a déjà posé cette question et il m'est impossible actuellement d'ajouter quoi que ce soit à la réponse que je lui avais alors donnée.

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, si l'honorable leader du gouvernement a du mal à obtenir cette réponse, c'est peut-être parce que le gouvernement éprouve des craintes par suite de son récent sondage de l'opinion publique. Il semble que l'été dernier il ait engagé Ispos-Reid pour mener, au nom du ministère des Finances, un sondage intitulé Opinions des Canadiens sur les fusions des banques. Incidemment, le texte du sondage contenait le passage suivant : « Le gouvernement entend publier cet automne des lignes directrices sur les fusions des banques. »

Les résultats font état d'une baisse marquée, entre 1998 et aujourd'hui, de l'attrait des fusions bancaires pour les Canadiens. Dans ce sondage, on leur demandait, entre autres : « Au cas où le gouvernement déciderait de stimuler la concurrence entre les banques étrangères et canadiennes dans le secteur bancaire au Canada, seriez-vous plus ou moins favorables aux fusions des banques que vous ne l'êtes à l'heure actuelle? »

Le ministre pourrait-il dire au Sénat si le gouvernement envisage de prendre des mesures pour promouvoir la concurrence, afin d'apaiser l'opinion publique, avant d'annoncer un nouveau cadre régissant les fusions des banques?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, encore une fois, je dois m'informer avant fournir une réponse. Cependant, la politique du gouvernement a toujours été de promouvoir la concurrence dans le secteur financier.

J'ai siégé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce avec les sénateurs Angus et Oliver et j'ai participé aux travaux qui ont mené à ce qu'il était convenu d'appeler le rapport MacKay. Cette étude était exhaustive. J'ai également collaboré au rapport du comité présidé par le sénateur Kirby et j'ai alors souscrit à ce rapport. Je vais toutefois m'informer. Je ne suis pas au courant du sondage auquel se reporte le sénateur Angus.

De mes échanges avec certains membres du secteur financier, j'ai compris qu'il n'y avait aucune demande imminente de fusion bancaire, mais mes renseignements ne sont peut-être pas à jour.

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, je remercie le leader de ses observations. Je le prie d'obtenir ces renseignements.

Le sondage en question date d'août 2004. Il a été présenté à Finances Canada par Ispos-Reid et, comme je l'ai dit, il s'intitule : Opinions des Canadiens sur les fusions des banques.

Bien sûr, le leader n'a peut-être pas les renseignements détaillés en main. Lorsqu'il reviendra au Sénat avec les autres renseignements — c'est-à-dire, ceux demandés par le sénateur Oliver il y a maintenant trois semaines et ceux que je demande aujourd'hui —, je lui saurais gré d'y ajouter les réponses aux questions suivantes : Premièrement, combien d'argent le ministère des Finances a-t-il versé à Ispos-Reid pour ce sondage? Deuxièmement, qui au ministère des Finances a commandé ce sondage? Était-ce le ministre ou la Direction des communications? Enfin, est-ce que le contrat pour ce sondage a fait l'objet d'une soumission concurrentielle? Sinon, pourquoi?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je prends note de ces questions et je vais chercher les réponses.

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'UKRAINE—LES COMPRESSIONS À RADIO CANADA INTERNATIONAL

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, l'Ukraine en crise attend un autre vote et un recompte au second tour des présidentielles. La communauté internationale a notamment clairement constaté que le vote n'était conforme ni aux normes internationales ni aux principes démocratiques reconnus. Selon un document de l'OSCE, un des fondements d'un vote libre et juste est l'éducation de la population, qui doit être au courant des choix qui lui sont offerts, et le fait que seul un vote éclairé est un vote démocratique.

Compte tenu de cela, pourquoi le gouvernement canadien s'entête-t-il à imposer des compressions à Radio Canada International et à sa programmation ukrainienne? Nous savons depuis longtemps que la presse ukrainienne est assujettie à des restrictions et que sa liberté d'expression est radicalement limitée. Radio Canada International et sa programmation ukrainienne, c'était un moyen de se renseigner, tant pour les Ukrainiens en Ukraine que pour ceux qui vivent au Canada. C'était un service des plus précieux et il bénéficiait de l'appui de toute la communauté.

Permettez-moi de citer ce qu'a écrit M. Zenon Kohut, directeur de l'Institut canadien d'études ukrainiennes, de l'Université de l'Alberta, dans sa lettre à Jean Laurin, directeur de Radio Canada International : « Je tiens à réitérer brièvement ce que j'ai dit dans ma dernière lettre — et je crois fermement que cette opinion se confirmera dans un proche avenir — soit que les émissions de RCI en ukrainien offrent un moyen économique et efficace de mieux faire connaître nos idées et nos politiques sur le multiculturalisme et la diversité, le respect de la règle de droit et l'importance de la participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que les autres valeurs et convictions canadiennes, dont la compréhension favoriseraient l'avènement d'une société civile et d'un État démocratique en Ukraine. »

(1440)

Il ne coûterait pas cher de rétablir Radio Canada International et si cette programmation était poursuivie, elle contribuerait à la stabilité future de l'Ukraine. En prolongeant ce service seulement jusqu'à la fin janvier comme c'est, je crois, l'intention du gouvernement, on n'envoie pas le bon message à la population ukrainienne et à la population du Canada. Le gouvernement peut-il nous dire aujourd'hui que ce service ne sera pas supprimé?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je n'ai pas de renseignements au sujet des faits mentionnés dans la question de madame le sénateur Andreychuk, je peux seulement m'informer en espérant obtenir rapidement une réponse.

En ce qui concerne l'Ukraine, les honorables sénateurs n'ignorent pas que le gouvernement du Canada a contribué activement à faciliter le processus démocratique dans ce pays et que, comme on l'a annoncé, il s'apprête à soutenir l'OSCE en envoyant jusqu'à 500 observateurs, si l'OSCE nous le demande.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, en ce qui concerne Radio Canada International, le ministre, M. Pettigrew, a assisté à une réunion avec le Congrès des Ukrainiens Canadiens au cours de laquelle il a dit qu'il examinerait la question. Pour ce qui est des événements en Ukraine et des résultats des élections, cela ne devrait étonner personne. Le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères le savent.

Je demande au leader du gouvernement au Sénat qu'il s'engage à faire part de mes préoccupations à ses collègues et à leur dire combien il est essentiel que le gouvernement canadien rétablisse, de manière durable, Radio Canada International et sa programmation ukrainienne.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit en réponse à la première question de madame le sénateur Andreychuk, je vais le faire avec le maximum de célérité.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'UKRAINE—LE PROCESSUS DE SÉLECTION DES OBSERVATEURS DES ÉLECTIONS

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Pour faire suite aux propos du leader du gouvernement quant à la contribution du gouvernement du Canada, il est vrai que nous avons commencé à faire certaines choses que nous aurions peut-être dû faire plus tôt. Nous pouvons quand même faire plus mais, pour ce qui est de notre appui à l'OSCE, nous croyons que n'importe quel Canadien pourrait demander à jouer le rôle d'observateur à la condition de répondre aux critères établis par l'organisation que le gouvernement a chargé de la présélection.

Quel est le délai fixé pour présenter une demande? Qui décidera, en dernier ressort, quelles seront les personnes choisies?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je vais devoir m'en informer.

L'ENVIRONNEMENT

LES ENGAGEMENTS RELATIFS AU PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Leonard J. Gustafson : Honorables sénateurs, selon Ressources naturelles Canada, notre pays ne respectera pas les engagements qu'il a pris dans le cadre du Protocole de Kyoto. Ma question concerne les récentes révélations du sous-ministre des Ressources naturelles selon lesquelles le Canada sera sans doute loin d'atteindre les limites de Kyoto.

M. George Anderson, sous-ministre des Ressources naturelles, a récemment déclaré, à une conférence en Australie, qu'en ce qui concerne la réalisation de ses objectifs, le Canada arriverait à peine aux deux tiers du chemin. La source de cette information est le Calgary Sun du 3 décembre 2004.

Étant donné que le gouvernement a fait de grandiloquentes déclarations au sujet des gaz à effet de serre par pur intérêt politique comme en témoigne la publicité négative que le Parti libéral a diffusée au cours de la dernière campagne électorale et qui a été reprise dans le discours du Trône, le leader pourrait-il nous expliquer pourquoi le gouvernement ne va pas atteindre ses objectifs de Kyoto?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, malgré les suppositions contraires, il reste à voir si nous pourrons ou non atteindre ces objectifs. Pour le moment, la politique du gouvernement prévoit d'atteindre ces objectifs.

Le sénateur Gustafson : Honorables sénateurs, il semble clair, pour ceux qui s'y connaissent, que le gouvernement ne pourra pas les atteindre. Une personne qui est découragée de voir le bilan des libéraux au sujet des gaz à effet de serre et de l'environnement est bien l'ancien ministre fédéral de l'Environnement, David Anderson. Dans un article paru en première page de l'Ottawa Citizen du 26 novembre, M. Anderson critiquait son propre gouvernement à ce sujet. Selon un article de la Presse canadienne du 20 octobre, M. Anderson a accusé les membres du Cabinet d'amoindrir le programme de 3,6 millions de dollars mis en place par le Canada pour contrer les changements climatiques.

Quelle réponse le leader du gouvernement au Sénat peut-il donner au sujet des allégations de David Anderson quant aux raisons qui expliquent le bilan discutable du gouvernement à l'égard de l'environnement?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, l'honorable David Anderson est, comme chacun sait, un ancien ministre de l'Environnement et c'est sous son ministère que le Canada a pris les engagements connus comme le Protocole de Kyoto.

Il y a tout un débat quant aux moyens d'obtenir les résultats visés et le gouvernement a mis en place un processus de planification pour atteindre les objectifs de Kyoto.

Je ne peux pas dire pour le moment quand le gouvernement pourra présenter l'ensemble de son plan, car de nombreux éléments de la société canadienne tentent de parvenir à un consensus au sujet des objectifs et de la méthodologie à employer pour les atteindre.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LA PROLONGATION DU VISA DE LA FAMILLE BONDARENKO

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 28 juillet dernier, la famille Bondarenko, de Russie, est arrivée à Shelburne, en Nouvelle-Écosse, en provenance des Bermudes, à bord de son voilier de 36 pieds. Peu de temps après, elle s'est installée à Halifax. M. Bondarenko est titulaire d'un doctorat en génie et sa femme a enseigné l'anglais en Russie. Ils ont deux jeunes fils, Ivan, 11 ans et Vasily, 6 ans. Tout ce qu'ils ont, c'est ce voilier de 36 pieds. Ils n'ont aucun revenu. Ils désirent rester au Canada.

Le 4 novembre, M. Bondarenko a contacté les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada pour voir si sa famille pouvait rester. On lui a dit qu'il devait quitter le pays. Son visa a été annulé, et on lui a pris son passeport en lui disant que s'il ne partait pas d'ici le 14 décembre, sa famille et lui seraient expulsés vers la Russie.

Samedi dernier, M. Bondarenko et sa famille ont pris place à bord de leur voilier de 36 pieds en direction des Bermudes, dans l'Atlantique Nord. Leur moteur est tombé en panne, le bateau a pris l'eau et deux déchirures sont apparues dans la voile principale. La famille a repris la direction de Halifax.

La Nouvelle-Écosse a toujours été un refuge pour les marins. Le Canada est un pays courtois et compatissant et je crois qu'il serait tout à fait approprié d'autoriser la famille Bondarenko à rester en Nouvelle-Écosse jusqu'au printemps prochain. Je peux vous dire que l'Atlantique Nord n'est pas un endroit où s'aventurer en décembre dans un bateau de 36 pieds.

(1450)

J'ai parlé ce matin à M. Peter Kinley, président de la Lunenburg Industrial Foundry and Engineering Ltd., à Lunenburg. Il a offert de garder le bateau des Bondarenko au quai de son entreprise jusqu'au printemps. Je suis certain que les habitants de Lunenburg répareront ce bateau et son moteur et qu'ils s'occuperont de ses voiles de manière à ce que le voilier soit en état de prendre la mer au printemps.

Il serait très opportun que les membres de cette famille obtiennent l'autorisation de rester au Canada. Je ne parle pas de leur accorder un traitement spécial, mais de leur permettre de rester au Canada jusqu'au long week-end de mai; ils pourraient alors naviguer dans l'Atlantique Nord à bord de leur voilier de 36 pieds.

Honorables sénateurs, ils sont prêts à se plier aux règles, mais ils sont dans une situation difficile actuellement. Je demanderais au leader du gouvernement d'user de ses bons offices pour porter cette question à l'attention de la ministre de l'Immigration afin que les Bondarenko soient autorisés à rester au Canada jusqu'au 23 mai 2005.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je transmettrai la demande du sénateur Moore à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et je lui demanderai de commenter sur les circonstances rapportées dans les journaux et mentionnées par le sénateur Moore. Je ne peux pas dire quelles mesures sont envisagées, mais à première vue, il semble qu'une admission à titre de résidents permanents est impossible compte tenu des dispositions législatives existantes.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—LES RÉPERCUSSIONS SUR L'INDUSTRIE BOVINE

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, ma question concerne les répercussions économiques de la crise de l'ESB sur l'économie et les producteurs canadiens. Comme en témoigne une dépêche du 21 octobre 2004 de l'agence PC, la fermeture de la frontière aurait coûté, d'après certains calculs, jusqu'à 2 milliards de dollars aux producteurs bovins, selon le premier dirigeant de la BMO. D'après le Toronto Star du 11 septembre 2004, d'autres sources évaluent à plus de 6 milliards de dollars les pertes économiques combinées de l'industrie bovine canadienne et des collectivités rurales du Canada. La semaine dernière, Rick Eggleton, économiste en chef adjoint à la Banque de Montréal, a évalué que les producteurs bovins ont perdu 5 milliards de dollars depuis la découverte, en mai 2003, d'un cas d'ESB en Amérique du Nord. Ces chiffres ont été mentionnés lors du bulletin sur les actualités financières diffusé par la CBC le 29 novembre 2004.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quels sont les chiffres officiels sur lesquels le gouvernement s'appuie pour déterminer le coût de la crise de l'ESB pour les producteurs canadiens de bovins?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je m'informerai.

Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement a-t-il effectué une analyse de coûts en tenant compte des répercussions économiques de la crise de l'ESB sur l'ensemble du secteur bovin aussi bien que sur les régions rurales du Canada en général? Dans l'affirmative, le leader peut-il nous communiquer ces chiffres dès que possible?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vais tenter d'obtenir la réponse à cette question.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE DE LA MINISTRE—DEMANDE DE DÉMISSION

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, selon le National Post d'aujourd'hui, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration aurait reçu d'un immigrant récent, un homme d'affaires du Pakistan, un don de 5 000 $ pour sa campagne de réélection. Ce don, le plus important de sa campagne, a été fait indirectement par un membre de l'exécutif de son association de circonscription. Une telle action est illégale selon la Loi électorale du Canada.

Il ne s'agit-là que du plus récent d'une série de scandales impliquant la ministre et sa campagne de réélection. Ils ont remis en question sa crédibilité et nui à la réputation du ministère. Au nom de la responsabilité ministérielle et de l'obligation de rendre compte, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il inviter sa collègue, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, à démissionner pour rétablir la confiance des Canadiens dans le processus d'immigration du Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai aucune connaissance des faits avancés par madame le sénateur LeBreton. Il m'est donc impossible de fournir une réponse pour le moment.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, on a appris il y a quelques semaines que le chef de cabinet de la ministre, Ihor Wons, qui a pris un congé autorisé, avait rencontré le propriétaire d'un club d'effeuilleuses dans son établissement pour discuter de visas de travail pour des danseuses exotiques. La ministre a déclaré à ce sujet au Globe and Mail qu'elle « aurait préféré, pour de nombreuses raisons, qu'il n'ait pas eu cette rencontre ».

Par sa déclaration, elle semblait laisser entendre qu'il n'y avait eu qu'une rencontre du genre. Or, dans le Toronto Sun d'aujourd'hui, un autre propriétaire de club déclarait avoir lui aussi rencontré le membre du cabinet de la ministre. Combien d'autres clubs le principal collaborateur de la ministre a-t-il donc visités en son nom?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je ne puis répondre à cette question.

LA SANTÉ

LES NORMES DE SÉCURITÉ DES MÉDICAMENTS—LES VENTES TRANSFRONTIÈRES

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat relativement à la vente transfrontière de médicaments. Durant une entrevue au réseau CNN dimanche, le premier ministre a dit que les normes de sécurité des médicaments du Canada avaient fait l'objet d'une discussion avec les représentants du gouvernement américain la semaine dernière et que ces derniers ont admis que nos normes de sécurité comptaient parmi les plus élevées. Le premier ministre a en outre défendu, à bon droit, les normes du Canada en matière de médicaments contre l'argument de la Food and Drug Administration des États-Unis, selon qui les Américains ne devraient pas acheter nos médicaments parce que leur sûreté et leur efficacité ne peuvent être garanties.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire dans quel contexte cette question a été discutée avec les Américains durant la visite de la semaine dernière? Le gouvernement fédéral a-t-il dit aux représentants américains quelle position il adoptera au sujet de la vente transfrontière de médicaments délivrés sur ordonnance?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai aucune information découlant directement de la conversation dont parle le sénateur Keon.

Le sénateur Keon : Honorables sénateurs, dans un discours prononcé à Harvard le mois dernier, le ministre de la Santé s'est opposé à la vente transfrontière de médicaments délivrés sur ordonnance à des Américains, disant que le Canada ne peut être la pharmacie des États-Unis. Toutefois, quelques jours plus tard, le premier ministre a semblé corriger la déclaration du ministre en disant que le gouvernement fédéral n'allait pas empêcher les cyberpharmacies d'exercer leurs activités.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire s'il projette d'adopter une politique dans ce domaine? Des discussions sont-elles en cours en ce moment?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il est tout à fait vrai que toute la question de la vente transfrontière de médicaments fait actuellement l'objet d'une surveillance de la part du gouvernement du Canada, qui veille ainsi, notamment, à ce qu'il n'y ait pas de pénuries et que l'on puisse répondre à nos besoins au Canada. Il est également important pour le gouvernement du Canada de dénoncer les allégations selon lesquelles les cyberpharmacies canadiennes vendraient des médicaments non sûrs. Tous les médicaments vendus au Canada doivent répondre aux normes canadiennes en matière d'aliments et drogues et aux exigences de Santé Canada relativement à leur efficacité.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE—LES COUPES DANS LES FONDS DESTINÉS À LA VÉRIFICATION

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, le gouvernement d'Iran semble dissimuler de l'information au sujet de son programme nucléaire qu'il applique sur divers sites militaires, censément à des fins pacifiques. L'Agence internationale de l'énergie atomique a été accusée de cacher des preuves selon lesquelles des particules d'uranium enrichi auraient été trouvées près d'une installation nucléaire égyptienne.

Les premières coupes budgétaires imposées par M. Martin, lorsqu'il était ministre des Finances, ont touché les contributions versées par le Canada pour des inspections visant à vérifier l'application du traité. Étant donné notre rôle de chef de file au conseil d'administration de l'AIEA, le gouvernement fait-il quelque chose pour prévenir la prolifération des armes de destruction massive? Si oui, quoi?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le Canada est membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique, dont le siège se trouve à Vienne. Nous appuyons cette agence et ses programmes de vérification et de détection.

Le sénateur Forrestall : Honorables sénateurs, nous n'avons pas l'impression que nos contributions monétaires sont à la hauteur de nos engagements.

J'ai une autre question à poser. L'Agence internationale de l'énergie atomique a annoncé qu'elle croyait que la Corée du Nord avait traité assez de combustible usé pour fabriquer de quatre à six bombes nucléaires. Quelle est la position du Canada à ce sujet, étant donné que nous avons assumé la présidence du conseil de l'AIEA?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ai moi aussi pris connaissance du rapport. Je peux dire que, si ce rapport se vérifie, ce qui est une toute autre question, il soulève un problème extrêmement préoccupant, et on s'interroge sur la sécurité d'autres pays. Comme l'honorable sénateur le sait, les États-Unis tenaient à saisir le Conseil de sécurité de la question du programme nucléaire de la Corée du Nord comme ils l'ont fait pour l'Iran. Il s'agit là de questions internationales délicates. Je ne peux donner aucune autre information en dehors de ce que je viens de dire.

(1500)

Le sénateur Forrestall : Le ministre s'engagerait-il à trouver quels ont été les effets de la réduction des fonds destinés à la vérification, étant donné ces deux problèmes qui sont tout à fait d'actualité et, comme le leader l'admet, très troublants?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vais me renseigner sur le soutien financier que le Canada accorde à l'Agence internationale de l'énergie atomique et fournir des chiffres. J'ai l'impression que l'agence a été suffisamment financée par la communauté internationale.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer quatre réponses différées à des questions orales posées au Sénat : une première réponse différée à la question posée au Sénat le 25 novembre 2004, par l'honorable sénateur LeBreton, concernant les allégations d'ingérence politique de la part de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration — l'enquête du commissaire à l'éthique; une deuxième réponse différée à la question posée au Sénat le 25 novembre 2004, par l'honorable sénateur Tkachuk, concernant la demande d'asile de M. Ernst Zundel et son coût pour le gouvernement; une troisième réponse différée à la question posée au Sénat le 23 novembre 2004, par l'honorable sénateur LeBreton, concernant le rapport de la vérificatrice générale de novembre 2004; et une quatrième réponse différée à la question orale posée au Sénat le 3 novembre 2004, par l'honorable sénateur Tkachuk, au sujet des réunions entre le premier ministre et l'ambassadeur Kergin.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LES ALLÉGATIONS D'INGÉRENCE POLITIQUE DE LA PART DE LA MINISTRE—L'ENQUÊTE DU COMMISSAIRE À L'ÉTHIQUE

(Réponse à la question posée le 25 novembre 2004 par l'honorable Marjory LeBreton)

La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration prend ses responsabilités au sérieux. Elle est une personne honnête et intègre qui accomplit ses tâches avec fierté. Jamais elle n'a piétiné ni sacrifié ses principes tout au long de sa carrière et de ses fonctions. Malheureusement, de par ses fonctions, la ministre ne peut discuter publiquement des détails de dossiers afin d'être conforme à Loi sur l'accès à la vie privée.

Craignant que la situation puisse être interprétée de plusieurs façons différentes, elle a voulu agir avec prudence et transparence en demandant conseil au commissaire à l'éthique. Ainsi, elle a décidé d'elle-même de l'appeler le jeudi 4 novembre dernier afin de lui demander s'il acceptait de recevoir ce cas.

Il a accepté d'examiner la situation afin de voir s'il y avait un cas de mauvaise conduite et d'infraction au code d'éthique auquel les officiers publics ainsi que les ministres de la Couronne doivent être conformes. Il lui a donc demandé de lui préparer

un dossier complet et de le lui soumettre à sa convenance. La ministre a déposé sa demande au bureau du commissaire le lundi 8 novembre 2004.

En attendant de recevoir son avis, le cabinet de la ministre collabore entièrement avec les demandes d'informations que le bureau du commissaire requiert. La ministre attend le rapport indépendant et l'avis du commissaire.

LA DEMANDE D'ASILE DE M. ERNST ZUNDEL—LE COÛT POUR LE GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée le 25 novembre 2004 par l'honorable David Tkachuk)

En date du 30 novembre 2004, M. Ernst Zundel est détenu au Metro Toronto West Detention Centre depuis 650 jours. Les frais engagés pour cette période totalisent 113 750$.

LA SANTÉ

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LES PROGRAMMES FÉDÉRAUX DE PRESTATIONS PHARMACEUTIQUES—L'USAGE DANGEREUX DE MÉDICAMENTS DÉLIVRÉS SUR ORDONNANCE

(Réponse à la question posée le 23 novembre 2004 par l'honorable Marjory LeBreton)

Le gouvernement fédéral est d'accord avec les recommandations de la vérificatrice générale, et il prendra des mesures pour chacune d'entre elles. Nous devons en faire plus pour tirer parti des pratiques exemplaires et améliorer la collaboration, et c'est ce que nous allons faire.

Le rapport de la vérificatrice générale arrive à point, c'est-à- dire au moment où tous les ordres de gouvernement collaborent à la mise en oeuvre de changements visant à améliorer les services de santé, à assurer la viabilité du système et à alléger les pressions financières, comme le démontre l'engagement des premiers ministres à élaborer une stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques.

Les ministères fédéraux participeront activement à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques, en collaboration avec les partenaires provinciaux et territoriaux. La Stratégie reflétera les engagements pris par les premiers ministres en septembre 2004 à l'égard des questions d'intérêt commun, et l'on s'attend à ce qu'elle contribue grandement, à long terme, à l'atteinte des objectifs déterminés par la vérificatrice générale.

La Stratégie servira de base aux nouvelles approches visant à améliorer l'accès à des médicaments sûrs, efficaces et économiques, et favorisera des pratiques exemplaires de prescription et d'utilisation de pharmacothérapies, et ce, pour le bénéfice des clients et des contribuables.

La Stratégie s'appuiera sur la longue expérience de collaboration des ministères fédéraux pour ce qui est du règlement des questions d'intérêt commun et de la création d'opportunités mutuellement bénéfiques (p. ex. le Comité fédéral-provincial-territorial, créé en 1999 et le Partenariat fédéral pour les soins de santé, formé en 1994).

Le but global des recommandations de la vérificatrice générale est de réaliser des économies en créant ou en déterminant des secteurs communs à tous les programmes. Les ministères ont l'intention de tirer parti des pratiques exemplaires antérieures, y compris celles mentionnées par la vérificatrice générale, et d'améliorer la collaboration ainsi que l'échange d'information concernant ces questions communes. On mettra l'accent sur les mesures pour lesquelles les analyses montrent qu'une approche intégrée réduirait les efforts individuels et optimiserait l'utilisation des ressources disponibles.

D'ailleurs, les ministères ont déjà pris des mesures pour réaliser des économies et optimiser l'utilisation des fonds publics. Par exemple, en 2002-2003, les responsables du Partenariat fédéral pour les soins de santé (PFSS) ont économisé 2,2 millions de dollars grâce à une entente conjointe, en Saskatchewan, sur les produits et services pharmaceutiques. Les économies ont été réalisées par la négociation d'une combinaison de frais d'exécution, d'une majoration des coûts des produits pharmaceutiques, d'honoraires fixes pour les médicaments en vente libre et d'un remboursement subsidiaire pour les services professionnels du pharmacien (pharmacothérapie initiale, refus de délivrer). Même si, actuellement, on renégocie cette entente, on s'attend à ce que les économies continuent d'être réalisées dans l'avenir. Le PFSS a été établi en 1994 dans le but de coordonner l'achat de produits et services de santé par le gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral désire économiser, et il trouvera un juste équilibre entre les efforts visant à limiter les coûts et le besoin de maintenir l'accès des clients aux services de santé et d'entretenir ses relations avec les fournisseurs de soins sur qui nous comptons pour prescrire et exécuter les pharmacothérapies requises.

Les médicaments d'ordonnance

Le programme des Services de santé non assurés de Santé Canada prend la sécurité des patients au sérieux.

La sécurité des patients est la responsabilité conjointe des médecins, des pharmaciens et des Services de santé non assurés. Légalement, les renseignements personnels sur la santé ne peuvent être communiqués à d'autres fournisseurs de soins de santé qu'avec le consentement du patient.

À cette fin, Santé Canada a :

  • Envoyé des messages d'avertissement très efficaces aux pharmaciens (sur des sujets comme les médicaments en double) au moment de l'exécution des ordonnances. L'an dernier, par exemple, des 10 millions d'ordonnances traitées par le programme, 300 000 ou 3 p. 100 ont donné lieu à un message d'avertissement, et les deux tiers d'entre elles n'ont pas été exécutées;
  • Vérifié attentivement auprès des pharmacies pour s'assurer que le tiers restant des ordonnances étaient justifiées;
  • Exercé un contrôle à l'égard des médicaments pouvant faire l'objet d'abus, soit en exigeant une autorisation préalable (Oxycontin — octobre 1999), soit en les radiant de la liste (Darvon — juin 2004);
  • Produit des bulletins pharmaceutiques pour les médecins, les pharmaciens et les travailleurs en santé communautaire sur des sujets importants tels que le traitement du diabète ou les protocoles concernant la méthadone;
  • Créé un Comité d'évaluation de la consommation pharmaceutique, un groupe d'experts indépendant spécialisé en santé autochtone et en examen de la consommation pharmaceutique, afin d'assurer une analyse et des protocoles cliniques appropriés.

L'action a été limitée par les vives préoccupations des Premières nations et des Inuits au sujet de la protection de leur vie privée. Les Autochtones ont contesté les mesures prises pour obtenir leur consentement.

Or, le Ministère travaille avec les organismes de soins de santé et les organismes clients à la mise en place d'un vaste programme d'innocuité des médicaments qui consistera à :

  • effectuer des analyses trimestrielles rigoureuses à l'égard des clients pouvant être à risque (janvier 2005);
  • faire un suivi immédiat auprès des clients jugés à risque;
  • travailler avec les organismes clients nationaux et régionaux à l'établissement de programmes de prévention et de promotion qui donnent le soutien communautaire nécessaire pour surmonter ces difficultés tout en respectant le droit des clients à la vie privée.

À l'instar de la vérificatrice générale, le gouvernement du Canada veut lui aussi prévenir l'usage abusif des médicaments. Les ministères s'emploient à trouver d'autres moyens d'aider les professionnels de la santé à empêcher l'usage abusif des médicaments.

Santé Canada s'emploie à prévenir l'usage abusif des médicaments, dans le respect toutefois du droit des clients à la vie privée lorsqu'il communique des renseignements aux professionnels de la santé.

Le Ministère a entrepris et continue de trouver des moyens d'aider les professionnels de la santé à choisir les meilleures pharmacothérapies pour les clients. En particulier, Santé Canada examine l'utilisation des médicaments parmi la clientèle afin de donner aux professionnels de la santé des renseignements généraux sur les tendances de consommation pharmaceutique et de les aider ainsi à déterminer les meilleurs traitements pharmaceutiques pour les clients des Services de santé non assurés.

Plus précisément, Santé Canada aide les professionnels de la santé en leur communiquant de l'information supplémentaire dans des messages d'avertissement aux points de vente des pharmacies (à propos, par exemple, de médicaments ou de traitements en double) et dans des bulletins d'information. Santé Canada continuera de renseigner les fournisseurs de soins de santé et de leur donner des moyens en les alertant des problèmes possibles et en contrôlant l'accès aux médicaments pouvant faire l'objet d'abus.

Exemples d'initiatives prises par Santé Canada à la suite des rapports antérieurs de la vérificatrice générale :

  • Des messages d'avertissement concernant les médicaments, les traitements et les pharmacies en double continuent d'être envoyés aux pharmaciens via le système de communication aux points de service, utilisé pour traiter les demandes relatives au programme des Services de santé non assurés de Santé Canada (1997).
  • Des mesures ont été prises pour surveiller de plus près les dérogations des pharmaciens aux messages d'avertissement liés à l'usage des médicaments. Santé Canada a aussi entrepris de faire une analyse rigoureuse continue afin d'évaluer l'efficacité des messages (2001).
  • Des quantités maximales permises ont été fixées à l'égard de certains médicaments pour limiter les quantités délivrées par les pharmaciens (le Tylenol 3, par exemple, en juillet 2001).
  • Certains médicaments pouvant faire l'objet d'abus ont été éliminés ou frappés d'une restriction d'accès (par exemple, Darvon en juin 2004 et Oxycontin en octobre 1999).

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX—LA POLITIQUE RÉGISSANT LA CONDUITE DES MEMBRES DU CABINET QUI REPRÉSENTENT LE GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée le 3 novembre 2004 par l'honorable David Tkachuk)

Le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec l'administration américaine sur les crises du bois d'œuvre et de la vache folle (ESB) et il défend vigoureusement les intérêts des Canadiens. Le Premier ministre Martin a abordé ces questions aux plus hautes instances gouvernementales, soit avec le président Bush. Il place les intérêts du Canada à l'avant-plan de ses réunions et conversations téléphoniques avec le président et continuera de chercher à résoudre ces questions avec lui lors de prochaines réunions.

Nous demandons instamment à l'administration américaine d'abolir les restrictions liées au bois d'œuvre et à l'ESB à tous les niveaux de nos relations, notamment auprès du Congrès, des gouverneurs et des législateurs ainsi que de l'ambassadeur du Canada aux États-Unis.

Le gouvernement a adopté une approche pancanadienne visant à mieux gérer et coordonner ses relations avec les États- Unis : il s'agit de garantir, par l'entremise du Premier ministre, des ministres de l'Agriculture et du Commerce international de même que des fonctionnaires, que ses intérêts y sont représentés de manière aussi efficiente et efficace que possible.

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Pendant la période des questions, la semaine dernière, j'ai cité un échange entre le ministre et le leader de l'opposition officielle, afin d'obtenir des éclaircissements. Le jour précédent, le leader du gouvernement au Sénat avait répondu que le sénateur devrait s'abstenir de poser des questions au sujet du « strippergate », impliquant la ministre Sgro, tant que les résultats de l'enquête ne seraient pas connus. Après m'être informé du contenu du débat dans l'autre endroit, j'ai constaté que les ministres estimaient qu'il n'y avait aucune obligation d'attendre ces résultats. J'ai donc voulu savoir pourquoi le leader du gouvernement au Sénat, qui est un collègue de ces ministres au sein du Cabinet, avait une opinion divergente.

Pendant mon intervention au cours de la période des questions, le sénateur Austin a tenté de faire un recours au Règlement fondé sur l'article 46 du Règlement du Sénat. Le Président lui a alors recommandé, à juste titre, d'attendre la fin des affaires courantes. La question n'a plus été soulevée par la suite.

C'est la première occasion que j'ai d'invoquer le Règlement, en vertu de l'article 46, relativement au discours prononcé à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-4, Loi de mise en oeuvre de la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles et du Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles.

Ce projet de loi concerne des questions complexes et importantes touchant l'industrie aérienne au Canada et à l'étranger. Étant donné la complexité du sujet, j'ai écouté très attentivement le discours du parrain du projet de loi au Sénat, à l'étape de la deuxième lecture, et j'ai ensuite profité de l'ajournement du débat pour préparer mes observations. J'ai rencontré des fonctionnaires et des collaborateurs du ministre, et j'ai lu le hansard de l'autre endroit pour me familiariser avec les discours du ministre sur le projet de loi et avec les importants points soulevés par d'autres députés.

Votre Honneur, j'invoque l'article 46. J'ai constaté, au cours des recherches que j'ai effectuées en fin de semaine, toujours en rapport avec l'article 46 du Règlement, que le discours prononcé par le parrain du projet de loi au Sénat était à toutes fins utiles identique à celui qu'a prononcé le ministre dans l'autre endroit.

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Tkachuk : J'attire l'attention de la Chambre sur cette infraction. Elle commande une décision du Président quoique Son Honneur n'ait d'autre choix que de juger antiréglementaire le discours prononcé par le parrain du projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture, et d'ordonner qu'il soit rayé des Débats du Sénat.

Au cas où quelqu'un tenterait de défendre la reprise textuelle des discours au Sénat comme de longues citations, voici ce que nous rappelle le commentaire 496, à page 158 de la sixième édition de Beauchesne :

Il est permis au député de citer dans un discours des documents, des livres ou autres imprimés, à condition de ne pas enfreindre le Règlement. On ne saurait pourtant admettre d'un discours qu'il soit fait d'une seule et très longue citation, ni d'une série de citations reliées par quelques rares phrases originales.

Afin d'aider son Honneur à fonder sa décision, je déposerai mes copies des deux discours où j'ai identifié les paragraphes comparables. J'ai relevé le nombre de paragraphes identiques, soit plus de 22, ce qui représente près de 80 p. 100 du discours livré dans cette enceinte. J'aimerais savoir qui a rédigé ce discours, si le sénateur ne l'a pas rédigé lui-même.

Honorables sénateurs, cette question est sérieuse et elle remet en question le travail accompli dans cet endroit.

Avant de terminer, je me permets d'ajouter que ma découverte au sujet du projet de loi C-4 m'a conduit à examiner de plus près les trois projets de loi ministériels dont nous sommes saisis — heureusement, le premier ministre Martin a gardé la charge de travail légère, par rapport à la coutume — et j'ai découvert à mon grand étonnement, et à celui encore plus grand du sénateur Austin, j'en suis certain, qu'en effet, même le discours du parrain du projet de loi C-7 à l'étape de la deuxième lecture est une répétition fidèle des 22 premiers paragraphes du discours livré par le secrétaire parlementaire dans l'autre endroit. Le problème semble devenir systémique. Votre Honneur, il s'agit d'une question qui ne saurait être mise de côté ou faire l'objet d'une décision mitigée. J'ai des copies de ce discours aussi, celui du ministre et celui du sénateur, si bien que Son Honneur pourra comparer les paragraphes un, deux, trois, quatre, jusqu'à la fin.

Honorables sénateurs, je sais que vous vous joindrez à moi pour remercier le sénateur Austin de m'avoir signalé l'article 46, un article important. Autant que le sénateur, je souhaite rester vigilant sur l'ordre des travaux dans cet endroit.

J'attends votre décision, Votre Honneur.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, en effet, l'article 46 est important. Je me joins au sénateur Tkachuk pour le dire clairement.

Je ne crois pas que des collègues qui présentent des projets de loi au nom du gouvernement devraient prendre l'habitude de reproduire mot à mot en tout ou même en grande partie un discours livré par un ministre dans l'autre endroit. Cependant, je ne crois pas que cela soit contraire au Règlement.

L'article 46 du Règlement indique clairement qu'il est permis de résumer un discours prononcé à la Chambre des communes pendant la session en cours, mais qu'il ne convient pas d'en citer des passages « à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre sur une question de politique gouvernementale ». Par conséquent, bien que j'estime que les discours ont été prononcés en conformité du Règlement, j'ai le devoir de rappeler aux fonctionnaires qui travaillent pour les ministres à l'appui des mesures législatives dont le Sénat est saisi, de respecter les règles.

Des voix : Bravo!

(1510)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le moment est venu de rappeler le Règlement. Ce n'est pas la première fois qu'une telle situation se présente, et nous la comprenons tous. Nous savons comment les choses se passent à Ottawa. Cependant, il est important que les employés des ministères qui rédigent les discours qui seront prononcés à la Chambre des communes soient conscients du fait qu'ils ne peuvent pas simplement imprimer un autre exemplaire du discours, y apposer le nom d'un sénateur et l'envoyer au Sénat.

Je ne fais aucun reproche à mes honorables collègues d'en face, qui ne sont pas en cause. Ce sont les rédacteurs de discours qui sont responsables. Ils n'ont pas saisi la distinction qui existe dans un parlement bicaméral.

Les fonctions des députés et des sénateurs sont radicalement différentes. C'est là le principe de base et la nature même du parlement bicaméral, dans la tradition de Westminster. Si les responsables des discours dans les ministères n'ont pas écouté leur professeur quand il a expliqué ce détail du fonctionnement du gouvernement du Canada, il est grand temps qu'ils se remettent aux études et qu'ils comprennent que, au Sénat, nous analyserons soigneusement et de façon réfléchie, d'un oeil nouveau, tout projet de loi qui nous est renvoyé. C'est pourquoi moi-même et mes collègues des deux côtés étudions en détail, étape par étape, tous les projets de lois.

Il se peut que la dernière fois que cette situation s'est produite, nous n'ayons pas été assez rigoureux lorsqu'est venu le moment de faire comprendre cela. En ce qui concerne le recours au Règlement du sénateur Tkachuk, nous devrions avoir une décision. Les intéressés recevront alors le message.

Je garantis aux honorables sénateurs d'en face que j'étais prêt à intervenir aujourd'hui, à discuter du projet de loi ajourné à mon nom. En fait, je serai prêt à commencer immédiatement lorsqu'on aura présenté un nouvel argument selon lequel nous devons appuyer le principe du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Cependant, je ne pense pas que nous puissions accepter un argument qui est fondé sur un argument qui a déjà été soumis à l'autre endroit.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je voudrais signaler au Sénat la raison pour laquelle je condamne cette pratique même si ce n'est pas un recours au Règlement qui devrait être tranché par une décision du Président. Cette pratique découle de l'article 46 du Règlement, mais je n'y souscris pas. Je suis d'accord avec les points soulevés par le sénateur Kinsella au sujet de la façon dont notre institution devrait fonctionner.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais préciser que le sénateur Austin se trompe. Ces discours n'étaient pas des citations. Ce serait différent. Si, pour soutenir un argument, un sénateur cite le ministre à l'autre endroit et lui en attribue le mérite, c'est raisonnable, mais il attribue alors le mérite.

En l'occurrence, dans ces deux cas, cela n'a pas été fait. À la connaissance des sénateurs, il s'agissait des paroles des sénateurs eux-mêmes. Il n'a jamais été dit qu'il s'agissait des paroles d'un ministre à l'autre endroit.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voudrais participer brièvement au débat sur ce recours au Règlement. Cette question me dérange depuis un certain temps déjà, non seulement au sujet des sénateurs répétant des discours qui ont déjà été prononcés par des ministres à l'autre endroit, mais en ce qui a trait également au fait qu'on nous demande de déterminer exactement à quel moment un sénateur peut s'approprier un discours.

Dans bien des cercles parlementaires, les nombreux discours — surtout des discours préparés d'avance — rédigés par d'autres gens que les parlementaires commencent à susciter de vives préoccupations. C'est une grave préoccupation. En tant que parlementaire siégeant dans cette enceinte, je m'attends à ce qu'un sénateur qui intervient prononce son propre discours, en d'autres termes, un discours qui est le fruit de ses efforts. Nous devons établir exactement la position du Parlement relativement à ces pratiques qui se répandent comme de la mauvaise herbe, à ces cas où l'on remarque tout de suite que le discours a été rédigé bien loin d'ici, car la plupart du temps, ils ne reflètent même pas le langage du Parlement. Très souvent, la structure grammaticale est au passif.

J'aimerais dire, Votre Honneur, que même le Président du Sénat n'est pas exempt de mes critiques. Je me souviens, il y a deux ans, lorsqu'un nouveau Président avait commencé son discours en disant « Monsieur le Président ». Malheureusement, c'est une pratique qui s'est généralisée. Il était évident, en écoutant le Président lire sa propre décision, que ce n'était pas lui qui l'avait écrite et qu'il avait joué un rôle minime dans sa rédaction.

C'est une question de grande portée. Sa conséquence dépasse notre entendement. Grâce aux milliers de personnes qui rédigent des discours, le gouvernement peut faire dans chaque chambre de nombreux discours pendant une journée. Évidemment, en pareilles circonstances, les travaux du Parlement avancent à un rythme qui n'est pas du tout naturel.

Je lis souvent les anciens débats. Il y a quelques jours, je lisais des débats de l'époque de Mackenzie King, où on le voyait proposer l'ajournement du débat parce qu'il n'était pas prêt à participer, n'ayant pas fini de préparer son discours. Selon moi, honorables sénateurs, avec toutes ses ressources et tous ses rédacteurs de discours qui produisent des discours tout faits, le gouvernement peut faire pencher le système à son avantage.

Je sais, par exemple, que si le sénateur Austin ou les parrains d'en face prononcent quatre ou cinq discours sur certaines initiatives au cours d'une même journée, il m'est impossible de répondre, et j'imagine que c'est le cas pour la plupart d'entre nous.

Honorables sénateurs, je suis une personne qui, en raison de sa personnalité et de la nature des questions sur lesquelles elle se penche, ne peut être mise dans le même panier que bon nombre d'autres sénateurs. Je dois m'asseoir assidûment et consacrer d'innombrables heures à préparer les discours que je prononce.

Je suis un peu en train de réfléchir à voix haute. C'est un grave problème. La qualité de notre travail s'en trouve diminuée et amoindrie. De plus, les Canadiens sont privés du vocabulaire constitutionnel qui constitue leur patrimoine légitime. Honorables sénateurs, la plupart des membres du Cabinet actuel ne savent pas utiliser la langue du Parlement.

Nous devons débattre de cette affaire. Le sénateur Austin a raison de dire que cette affaire devrait être examinée en dehors du cadre d'une décision de la présidence. Il s'agit d'une affaire importante et d'un recours au Règlement valide. Il serait bien que le Sénat au complet se charge d'examiner la question, étant donné son importance.

L'une des raisons pour lesquelles je pense qu'il ne convient pas que le Président statue sur cette affaire, c'est que les Présidents aussi répètent des discours écrits pour eux, bien que je ne sois pas au courant d'un cas où le Président du Sénat a répété un discours prononcé par le Président de l'autre endroit. Cest un problème énorme et troublant.

(1520)

Je n'appuie pas le sénateur Austin, même s'il a raison de dire que ce problème devrait être réglé sans qu'il y ait un recours au Règlement. Comme tous ses collègues, le sénateur Austin sait que cela arrive. Tous les sénateurs devraient déplorer et condamner le fait de reprendre un discours comme cela. C'est une pratique indigne des sénateurs. Honorables sénateurs, dans certaines assemblées, les membres n'ont pas le droit de lire des discours; ils peuvent seulement recourir à des notes. Cette pratique a aussi ses inconvénients.

Il faut penser que notre principale tâche consiste à prendre la parole; c'est un talent et une habileté que tout sénateur devrait essayer de cultiver.

Le sénateur Austin a voulu qualifier de citations les discours en cause. Aux fins du compte rendu, encore une fois, l'article 46 du Règlement du Sénat stipule ce qui suit :

Il est permis de résumer un discours prononcé à la Chambre des communes pendant la session en cours, mais il ne convient pas d'en citer des passages, à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre sur une question de politique gouvernementale.

En logique, en droit, en sémantique ou en grammaire, il est impossible de reprendre intégralement le discours de quelqu'un d'autre en le citant à moins, bien sûr, que l'orateur veuille dire que le discours est une longue citation. En soi, il admet ainsi que le discours n'est pas le sien.

Je ne crois pas que l'article 46 du Règlement justifie ce qui s'est produit. Le sénateur Austin a tort de prétendre que ces discours sur les projets de loi C-4 et C-7, je crois, sont conformes au Règlement qui permet les citations. De toute évidence, ces discours n'étaient pas des citations à proprement parler. Les sénateurs savent tous que les citations ponctuent un discours, mais elles n'en sont pas un.

Je remercie le sénateur Tkachuk d'avoir soulevé la question, parce qu'il est temps que le Sénat se penche là-dessus. Je déplore cette pratique et j'attendais que quelqu'un soulève la question pour en parler.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, à un moment donné, madame le sénateur Cools a posé la question suivante : quelle est la longueur d'une citation? Une citation est aussi longue qu'elle doit l'être, à mon avis. Voilà la longueur d'une citation. J'espère qu'on citera ce que je viens de dire.

En réponse au sénateur Tkachuk, je dirai qu'aucune disposition du Règlement n'oblige à identifier une source. En vertu du Règlement, un sénateur a le droit de citer un ministre.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais citer un extrait de l'article 46 du Règlement du Sénat, comme le leader du gouvernement au Sénat l'a fait :

Il est permis de résumer un discours prononcé à la Chambre des communes pendant la session en cours, mais il ne convient pas d'en citer des passages, à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre sur une question de politique gouvernementale.

En ce qui concerne le projet de loi C-4, je ne crois pas que le discours ait été prononcé par un ministre.

Le sénateur Austin : Il l'a été au nom d'un ministre.

Le sénateur Stratton : Il n'a pas été prononcé par un ministre.

Le sénateur Austin : Il a été prononcé au nom d'un ministre.

Le sénateur Stratton : Ce n'est pas ce que stipule le Règlement. Le Règlement dit : « [...] à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre [...] » et pas « au nom du » ou autre chose du genre.

Le sénateur Austin : C'était un discours du ministre livré par le secrétaire parlementaire.

Le sénateur Stratton : Je soutiens que le Règlement est très clair, notamment quand il stipule : « à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre ».

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un recours au Règlement. Il s'agit d'une mauvaise habitude, d'une mauvaise coutume, d'une pratique extrêmement mauvaise. Le sénateur Austin en a parlé dans son préambule, quand il a dit que c'était une mauvaise pratique. À vrai dire, c'est le résultat de la paresse de fonctionnaires qui trouvent plus facile d'envoyer simplement le discours, avec les modifications, du ministre ou du secrétaire parlementaire, plutôt que d'écrire un autre discours.

Dans l'article 46 du Règlement, les mots « à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre » sont importants et pourraient facilement être interprétés comme si le secrétaire parlementaire prononce le discours au nom du ministre sur une question de politique gouvernementale.

Honorables sénateurs, rien ne relève plus de la politique gouvernementale qu'un projet de loi présenté par le gouvernement. C'est l'essence même de la politique gouvernementale. Nous avons ici un discours qui décrit l'essence de la politique gouvernementale. Il reprend les mots du ministre, à tort je crois, parce que le sénateur devrait livrer son propre discours.

Madame le sénateur Cools a raison de poser la question. Quand un sénateur prononce-t-il son propre discours? Sans doute, lors d'interpellations, de motions et de projets de loi d'intérêt privé, mais quand un sénateur entreprend de parrainer un projet de loi du gouvernement, il s'engage à promouvoir la politique gouvernementale telle qu'elle est rédigée.

Le sénateur Cools : Je voudrais répondre à madame le sénateur Carstairs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le recours au Règlement a tourné en débat.

Le sénateur Cools : Il n'est pas indiqué de mettre cela sur le dos de bureaucrates incompétents. Le sénateur Austin a dit, je crois, qu'ils doivent se secouer un peu. C'est la responsabilité du Sénat et nous devons la prendre au sérieux.

Pour en revenir au sénateur Austin et à madame le sénateur Carstairs, une citation n'est pas une citation tant que son auteur n'a pas dit qu'il s'agissait d'une citation. Normalement, les citations sont faites dans des discours et dans une forme particulière.

Je ne pense pas que nous ayons besoin de redécouvrir l'ensemble des règles qui touchent à la rédaction et au plagiat. Il y a certaines préoccupations morales normales que nous avons apprises à une certaine époque, à l'école maternelle ou sinon plus tard au cours de notre scolarité, lorsque nous avons appris à écrire. Il n'est pas possible, en vertu de l'article 46 du Règlement, de qualifier ces discours de citations ou de longues citations car les orateurs n'ont pas précisé qu'ils faisaient des citations. Par exemple, cela pourrait être assimilé à un plagiat, mais pas à une citation. Il n'est absolument pas possible de qualifier ces discours de citations, eu égard à l'article 46 du Règlement. Le problème est plus vaste et touche de nombreux sénateurs en cet endroit et les députés de l'autre endroit. Voilà qui me préoccupe profondément.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je voudrais remercier les sénateurs qui ont pris la parole sur ce recours au Règlement. Je prendrai la question en délibéré et je reviendrai à la Chambre aussitôt que possible.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR L'AGENCE PARCS CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gill, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-7 modifiant la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, cet article a été ajourné par la Présidente intérimaire. Je suppose qu'il est inscrit au nom du Président.

(Le débat est reporté.)

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, pour clarifier, est-ce que les discours dont le sénateur Tkachuk a parlé comprennent le projet de loi C-6?

Le sénateur Kinsella : Non.

L'honorable Tommy Banks : Certainement pas.

Le sénateur Cools : Merci, sénateur Banks.

(1530)

PROJET DE LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyé par l'honorable sénateur Grafstein, tendant à la deuxième lecture du Projet de loi C-6, Loi constituant le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et modifiant et abrogeant certaines lois.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je désire parler, en deuxième lecture, du projet de loi C-6, Loi constituant le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et modifiant et abrogeant certaines lois. Honorables sénateurs, le gouvernement nous informe qu'il s'agit de la loi habilitante qui établit le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et le poste de ministre correspondant. Le gouvernement prétend, de façon fausse, que ce n'est qu'un simple chagement d'appellation, remplaçant la mention « solliciteur général  » et « ministère du Solliciteur général », par la mention « le ministre  » et « le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile ». Ce nouveau ministère fut établi sous l'effet de divers décrets datant du 12 décembre 2003, notamment les décrets du C.P. 2003-2061, 2003-2062, 2003-2086 et 2003-2087.

Honorables sénateurs, je dirais que ce mégaministre et mégaministère me paraissent peu souhaitables du point de vue constitutionnel étant donné qu'ils concentrent d'énormes pouvoirs entre les mains d'un seul ministre, lequel ministre, qui remplit les fonctions de vice-premier ministre, ne rend pas de comptes au Parlement, mais plutôt au premier ministre. Tout cela a pour effet de mettre les Canadiens à la merci de ce ministre qui n'a pas de comptes à rendre, mais qui est très puissant.

Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi C-6, le sénateur Banks, a déclaré, en réponse à des questions que les sénateurs lui ont posées, le 23 novembre 2004 :

Il s'agit d'un projet de loi d'ordre technique, qui ne fait que rendre constitutionnelles et légales des mesures qui ont déjà été prises.

À la question du sénateur Kinsella concernant l'organisation et l'appareil gouvernemental, le sénateur Banks a également déclaré au Sénat que :

Comme l'a signalé le sénateur, toutes les réorganisations gouvernementales à ce jour, toutes époques et tous partis confondus, ont été opérées sous le régime de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attribution dans l'administration publique, qui permet au gouverneur en conseil de transférer des segments de la fonction publique d'un ministère à un autre. C'est chose courante, comme on l'a déjà noté.

Honorables sénateurs, n'oubliez pas ces mots : « transférer des segments de la fonction publique d'un ministère à un autre ». Et le sénateur Banks a ajouté :

Le projet de loi n'est pas sans éléments de fond, mais pour ce qui est des aspects dont me semble parler le sénateur, il ne s'agit guère plus que d'un changement de nom.

Honorables sénateurs, le sénateur Banks a dit que la teneur du projet de loi C-6 n'était guère plus qu'un changement de nom. Ce n'est pas un simple changement de nom. Ce n'est pas un projet de loi simple. L'adoption du projet de loi C-6 représente un changement radical qui est apporté de façon irrégulière à notre Constitution. C'est une façon détournée d'imposer aux Canadiens et au Parlement un changement constitutionnel.

Ce n'est pas un projet de loi simple. Il s'agit d'une réorganisation majeure de l'appareil gouvernemental du Canada et de la Constitution. Le projet de loi C-6 créerait un monstre constitutionnel, une sorte de méduse, un mégaministère et un ministre qui détiendront une somme excessive de pouvoirs.

De plus, le projet de loi C-6 placera ce ministère entre les mains du vice-premier ministre, qui est non pas une entité constitutionnelle, mais le fruit de l'ego et de l'ambition de quelqu'un. Le vice-premier ministre est le serviteur non pas de Sa Majesté la Reine ou de la population du Canada, mais de quelqu'un d'autre. Le vice-premier ministre est le serviteur politique personnel du premier ministre et c'est à ce dernier qu'il rend des comptes plutôt qu'au Parlement.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 créera ce mégaministre en défigurant l'ancien légiste de la Couronne qui portait le nom de solliciteur général. Le projet de loi C-6 transforme le solliciteur général, en fait, il abolit son poste et le remplace par ce nouveau mégaministre dont les caractéristiques ne sont pas celles du solliciteur général. Honorables sénateurs, la dernière édition du Black's Law Dictionary, définit, à la page 1427, le solliciteur général comme :

Le légiste d'un gouvernement qui arrive au deuxième rang (derrière le procureur général); le premier avocat du pouvoir exécutif.

Honorables sénateurs, le sénateur Banks a mentionné que la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique conférait au gouvernement du Canada le pouvoir de prendre des décrets pour réorganiser les ministères. À l'article 2 de cette loi, intitulé Transferts d'attributions et regroupements de ministères, on peut lire :

2. Le gouverneur en conseil peut procéder :

a) à tout transfert d'attributions, ou de responsabilités à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l'administration publique;

b) au regroupement de deux ministères ou plus sous l'autorité d'un seul ministre et d'un seul sous-ministre.

Honorables sénateurs, cette loi autorise à prendre des décrets pour organiser l'appareil étatique, mais n'autorise pas ce changement ou d'autres changements constitutionnels majeurs. Tous les sénateurs devraient examiner de près ces décrets pour voir quels sont leurs véritables objectifs et effets constitutionnels.

Honorables sénateurs, j'estime que le légiste de Sa Majesté, le solliciteur général, n'est pas « un segment de l'administration publique ». Le ministère du Solliciteur général fait partie de l'administration publique, mais pas le solliciteur général lui-même. En conséquence, en raison de sa nature ou de ses caractéristiques, il ne peut pas être réorganisé en vertu des pouvoirs que confère la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique. J'estime que ces modifications à la nature et aux caractéristiques du solliciteur général constituent une application irrégulière de cette loi et devraient être déclarées inacceptables. On cherche à faire du solliciteur général une chose qu'il n'est pas et ne peut pas être.

La Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique dont on s'est servi pour prendre cette série de décrets ne peut pas être invoquée pour transformer le solliciteur général, le légiste de Sa Majesté, en ce mégaministre maintenant appelé vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Le projet de loi C-6 demande au Parlement de faire de que le gouvernement n'a pas osé faire par décret, en abolissant de facto, même si ce n'est pas vraiment de droit, le poste de solliciteur général et en le transformant en quelque chose de très différent et même étranger à la Constitution, en quelque chose d'opposé.

Le projet de loi C-6 traite le solliciteur général comme la cinquième roue du carrosse, que l'on peut transformer en mégaministre, lequel n'a plus qu'à avaler le solliciteur général. Dans une forme bizarre de cannibalisme constitutionnel—on peut le dire — le mégaministre avale le solliciteur général. Les sénateurs devraient demander pourquoi le solliciteur général a fait l'objet de cette manipulation, de cette exagération et de cet élargissement. Il est temps que le Parlement étudie l'utilisation que le gouvernement a faite de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique à des fins que le Parlement n'avait pas prévues ou envisagées quand il a adopté cette loi, il y a de nombreuses années.

Honorables sénateurs, depuis le 12 décembre 2003, notre pays a été victime d'une imposture juridique, et peut-être même constitutionnelle, qui est le poste de vice premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Il y a un an, le 12 décembre 2003, Paul Martin a été assermenté comme premier ministre du Canada avec son Cabinet, dont faisait partie Anne McLellan, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, un poste ministériel et un ministère entièrement nouveau. En décrivant son Cabinet, son appareil gouvernemental réorganisé et ce nouveau mégaministère, dans un communiqué publié ce jour-là sous le titre « Assurer la santé et la sécurité du Canada », le premier ministre nous informait que le gouvernement du Canada atteindrait les objectifs en matière de santé et de sécurité en apportant les changements ci-après à l'organisation et à l'appareil gouvernemental :

1. Création du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, afin de regrouper au sein d'un même portefeuille les activités fondamentales du portefeuille du Solliciteur général visant à assurer la sécurité de la population canadienne, de même que les autres activités visant à la mettre à l'abri des catastrophes naturelles et des atteintes à sa sécurité ou, le cas échéant, à y remédier.

(1540)

Honorables sénateurs, dans le communiqué de presse du premier ministre, on trouve une description détaillée de la création de ce ministère, mais pas un mot au sujet du légiste, en l'occurrence le solliciteur général. Le communiqué du cabinet du premier ministre est resté muet sur ce poste ancien et historique qu'est celui du solliciteur général, le légiste de Sa Majesté. Le communiqué parle des « activités fondamentales du portefeuille du Solliciteur général », c'est-à-dire du ministère, mais ne dit pas un mot sur le solliciteur général ou légiste lui-même, de sa nature, de son caractère ou de sa destination. Le premier ministre est resté muet sur cette question constitutionnelle fondamentale. Or, cette question fondamentale est celle de la transformation du poste de légiste de Sa Majesté, chargé de l'administration de la justice, en poste de mégaministre, en l'occurrence celui de vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Les sénateurs doivent examiner la destination constitutionnelle du poste de solliciteur général et voir si elle se prête à une telle exagération. On ne peut tout simplement pas opérer une telle transformation. Cela ne fonctionne pas ainsi.

Honorables sénateurs, le solliciteur général est, à l'instar du procureur général, un légiste de la Couronne. Au Canada, ces deux anciens postes sont antérieurs à la Confédération et à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Ils s'inspirent d'anciens postes du Royaume-Uni créés par Leurs Majestés au moyen d'instruments royaux. Le poste de légiste de la Couronne est unique. Lorsque son titulaire est membre du Cabinet, ce qui n'est pas souvent le cas, sa position constitutionnelle à titre de membre du Cabinet est assez distincte de sa position constitutionnelle à titre de légiste, étant donné que, aux termes de la Constitution, il est chargé de l'administration de la justice et que Sa Majesté la Reine est la source de la justice. En fait, le légiste jouit d'une indépendance particulière et importante par rapport au reste du Cabinet en étant chargé de l'administration de la justice nationale. Le projet de loi C- 6 ne respecte pas cette indépendance et, par surcroît, il la bafoue.

Simultanément, le 12 décembre 2003, un groupe de décrets a été pris pour mettre en oeuvre la restructuration et la réorganisation de l'administration publique selon le plan du premier ministre Paul Martin. Après l'assermentation, l'ancien poste de légiste de Sa Majesté, c'est-à-dire celui de solliciteur général, semble avoir disparu du vocabulaire et tous, y compris les médias et les parlementaires, ont commencé à désigner Anne McLellan par le titre non plus de solliciteur général mais de vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Honorables sénateurs, j'étais absente quand cela s'est produit. Au cours d'une conversation téléphonique m'apprenant qui étaient les nouveaux ministres, j'ai demandé qui était le nouveau solliciteur général. On m'a répondu qu'il n'y en avait pas. J'ai dit qu'il fallait bien qu'il y en ait un. C'est seulement quand je suis rentrée et que j'ai approfondi la chose que j'ai découvert ce qui s'était produit. Le titre de solliciteur général avait été remplacé par celui de vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

En décembre, j'ai essayé de savoir pourquoi le solliciteur général semblait avoir disparu. Je me suis donc tournée vers la Gazette du Canada du 3 janvier 2004, quelques jours seulement avant l'assermentation des membres du Cabinet. Sous la rubrique « Avis du gouvernement », où l'on retrouve les nominations, la Gazette du Canada décrit le titre d'Anne McLellan en ces termes :

McLellan, The Hon/L'hon. Anne, P.C./C.P.

Solliciteur général du Canada portant le titre de vice- première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

Je répète « Solliciteur général du Canada portant le titre de vice- première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ». Notons la différence entre la description donnée dans la Gazette du Canada et celle qui figure dans le communiqué de presse du premier ministre en date du 12 décembre.

Les honorables sénateurs devraient prendre note du fait que la charge séculaire de solliciteur général de Sa Majesté la Reine, ne peut, en vertu de la Constitution, porter d'autre titre que celui de solliciteur général de la Reine. On ne peut modifier la nature et le caractère de la charge même, ni le rôle constitutionnel et la raison d'être de son détenteur en modifiant son titre.

Honorables sénateurs, pour illustrer mon propos, j'aimerais que vous envisagiez une possibilité. Demandons-nous, par exemple, s'il serait possible que le premier ministre, par décret ou par voie législative, se couronne roi du Canada. Je ne le pense pas. Je pense que nous, les sénateurs, ferions bien de creuser la question et de voir ce qui peut être modifié par un simple changement de titre et ce qui ne peut pas l'être. J'avance qu'on ne peut modifier la nature et le caractère de la charge de solliciteur général.

Je le répète, honorables sénateurs, la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique ne donne nullement le pouvoir de défigurer, de modifier ou d'éliminer la charge de solliciteur général, le conseiller juridique junior de la Couronne. C'est un simulacre auquel on a demandé au Parlement de participer en prenant part à cet acte de vandalisme constitutionnel et à cette supercherie.

Le gouvernement actuel s'emploie systématiquement à démanteler le Canada et sa Constitution. Certaines élites juridiques semblent s'employer sans relâche à débarrasser le Canada des assises parlementaires du vocabulaire de Westminster. Il s'agit d'un nettoyage constitutionnel, ou peut-être d'un engorgement constitutionnel.

Honorables sénateurs, la réorganisation gouvernementale d'envergure du premier ministre Martin dans ce domaine a été opérée par plusieurs décrets du 12 décembre 2003. Au Canada, nous avons eu comme tradition d'assortir toute réorganisation majeure du gouvernement par un processus d'étude, d'examen et de débat au Parlement. Par exemple, lorsque le premier ministre Lester B. Pearson s'est lancé, en 1966, dans une réorganisation gouvernementale d'envergure — qui, incidemment, comportait la création, par transfert de certains éléments du ministère de la Justice, du ministère du Solliciteur général que le projet de loi C-6 viendra abroger —, son initiative maîtresse, le projet de loi C-178, la Loi concernant l'organisation du gouvernement du Canada et d'autres questions connexes, s'inspirait du travail de la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement, présidée par J. Grant Glassco. De plus, avant de soumettre le projet de loi C-178 à la Chambre des communes, M. Pearson a proposé, le 9 mai 1966, que cette dernière se constitue en comité plénier pour considérer une résolution selon laquelle il était opportun de déposer une motion concernant l'organisation du gouvernement du Canada en vue de créer un ministère du Solliciteur général. La création de nombreux ministères était envisagée.

Honorables sénateurs, le premier ministre Mackenzie King en a fait autant en 1936 lorsqu'il a proposé, avant de présenter ses projets de loi sur la réorganisation du gouvernement, que les comités pléniers se penchent sur l'opportunité des réorganisations proposées. Il semble que le gouvernement actuel ne se sente même pas lié par les actions d'anciens premiers ministres issus de ses propres rangs et il n'a donc proposé ni étude, ni commission royale, ni résolution, ni débat parlementaire concernant la mesure. En réalité, le gouvernement n'a fourni aucune explication au sujet des changements proposés dans le projet de loi C-6, sauf pour dire qu'il souhaitait grouper dans un seul ministère un ensemble d'agences qui sont, à mes yeux, disparates.

En l'absence d'explications, nous sommes devant le fait que la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est une super-ministre, qui verra concentrés dans son cabinet des pouvoirs extraordinaires, sur les plans intérieur et international. Les sénateur devraient envisager avec scepticisme une telle concentration de pouvoir, d'autant plus que, dans le discours du Trône du 2 février 2004, le nouveau ministère figurait sous la rubrique « Le rôle du Canada dans le monde ».

(1550)

En passant, je dois informer les honorables sénateurs qu'en 1966, lorsque M. Pearson a créé plusieurs nouveaux ministères, les rapports de la commission Glassco, qui ont fourni l'essentiel de son rapport, ne traitaient pas du bureau du solliciteur général. En effet, M. Pearson a alors donné quelques raisons pour transférer certaines parties du ministère de la Justice sous l'égide du solliciteur général. C'est ce que M. Edwards a dit à ce sujet dans son étude, publiée en 1980, concernant la responsabilité ministérielle à l'égard de la sécurité nationale, portant précisément sur les fonctions du premier ministre, du procureur général et du solliciteur général du Canada. Le professeur Edwards a écrit ceci :

Il est impossible de ne pas soupçonner que ni le gouvernement ni le premier ministre n'aient réfléchi en 1966 aux ramifications de la décision d'utiliser le portefeuille du solliciteur général, un bureau créé au fil de l'évolution historique des conseillers juridiques de l'État, pour décrire le nouveau ministère responsable de la GRC, des pénitenciers fédéraux, du service des libérations conditionnelles et de Commission nationale des libérations conditionnelles...

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 propose de transformer mystérieusement le solliciteur général, le conseiller juridique de Sa Majesté, en un mégaministre portant le titre de vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Cependant, personne ne veut expliquer pourquoi il faut une loi pour effectuer cette mystérieuse transformation. J'estime que le conseiller juridique de l'État, le solliciteur général, ne peut être transformé de cette façon. Comme je l'ai dit auparavant, c'est du vandalisme constitutionnel auquel se livre un gouvernement qui ne comprend absolument rien au rôle constitutionnel du procureur général et du solliciteur général, non plus qu'aux rapports constitutionnels entre ces conseillers juridiques, le premier ministre et le Cabinet.

Le paragraphe 7(1) du projet de loi C-6 stipule en ces termes la transformation du solliciteur général en un nouveau mégaministre :

Les personnes occupant, à la date d'entrée en vigueur du présent article, les charges de solliciteur général du Canada et de sous-solliciteur général du Canada sont réputées avoir été nommées à cette date ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, respectivement.

La personne en question, soit le solliciteur général, ne peut être simplement réputée avoir été nommée vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Cette disposition laisse entendre qu'Anne McLellan pourrait ne pas avoir été correctement nommée en décembre 2003. Il n'est pas clair pourquoi la titulaire, Anne McLellan, qui, selon la Gazette du Canada, a été assermentée le 2 décembre 2003, demande maintenant, à l'article 7, au Parlement de considérer qu'elle est réputée « avoir été » nommée au poste auquel elle a été nommée il y a un an. Cela nous amène à penser qu'elle n'a jamais été nommée ministre ou que la nomination était viciée. Les sénateurs devraient examiner cette disposition étrange et suspecte où Anne McLellan est réputée « avoir été » nommée ministre. La nomination des ministres est la responsabilité exclusive du gouverneur général, agissant au nom de Sa Majesté la Reine et exerçant la prérogative royale. Ce n'est pas une responsabilité du Parlement.

Honorables sénateurs, je vais parler un peu du mot « réputé ». C'est un terme auquel les sénateurs devraient commencer à s'intéresser. En rédaction législative, on croit que le mot « réputé » devrait être évité ou devrait être utilisé avec une grande prudence. Le Black's Law Dictionary, 7e édition, 1999, définit « réputé » à la page 425 :

1. Traiter (quelque chose) comme si cela (1) était vraiment autre chose ou (2) comme si la chose avait des qualités qu'elle n'a pas en réalité : « Bien qu'il n'ait été signé que le 21 avril, le document précise qu'il doit être réputé avoir été signé le 14 avril.

La définition du Black's Dictionary se poursuit en ces termes :

Le mot « réputé » est un mot utile quand il faut établir une fiction juridique, soit de manière positive en faisant comme si une chose était ce qu'elle n'est pas, soit de manière négative en faisant comme si une chose n'était pas ce qu'elle est [...]. Toutes les autres utilisations du mot « réputé » devraient être évitées.

Le Black's Dictionary dit encore :

Le mot « réputé » est utile, mais dangereux. Il crée une fiction, et on ne devrait recourir à une fiction que si on ne peut l'éviter.

Honorables sénateurs, j'aborde maintenant la nature et le caractère constitutionnels des deux légistes de Sa Majesté. Il s'agit de deux charges anciennes. Le procureur général a pour origine l'attornatus regis, c'est-à-dire le procureur du roi, tandis que le solliciteur général a pour origine le secundarius attornatus, c'est-à- dire le deuxième procureur. Ces deux anciens légistes sont régis par un droit écrit rudimentaire et une abondante common law. Ce qui les distingue, ce sont des caractéristiques judiciaires et quasi judiciaires, et leur relation constitutionnelle particulière avec notre souveraine, « source de justice », et avec ses sujets, car ils sont les gardiens de l'intérêt public et les responsables chargés des affaires juridiques de Sa Majesté et de l'administration de la justice en son nom auprès de ses sujets.

Honorables sénateurs, le professeur John Edwards, est un universitaire qui connaît particulièrement bien ces légistes. Il traite de la méconnaissance et de l'incompréhension de leurs rôles. À la page 2 de l'étude déjà citée, il relève « l'absence regrettable de publications sur le rôle du procureur général et du solliciteur général dans l'histoire constitutionnelle du Canada... »

Le professeur John Edwards poursuit ainsi :

Si mon hypothèse est juste, à savoir que, dans chaque pays du Commonwealth, il existe une grande ignorance publique quant au rôle et aux fonctions essentielles de la charge de procureur général, il faut attribuer en partie cet état des choses aux titulaires passés et présents de ces portefeuilles et de ces charges qui participent à cette assemblée. Si on lit les débats parlementaires, les revues professionnelles et les journaux des différents pays membres du Commonwealth, on en retire une très faible explication publique de la charge de procureur général ou de ses fonctions particulières comme gardien déclaré de l'intérêt public.

Honorables sénateurs, cette méconnaissance est également corroborée par l'absence de débat sur le projet de loi C-6 portant sur la charge de procureur général.

Je vais maintenant donner un aperçu de la situation constitutionnelle des légistes de la Couronne et de la relation entre eux. Dans un ouvrage intitulé The Law Officers of the Crown, publié en 1964, le professeur John Edwards étudie la relation entre les charges respectives de ces deux légistes. Il parle d'aperçus « dans les domaines autour desquels les fonctions de ces deux légistes s'articulent, à savoir la conception et l'octroi de concessions royales, qui relèvent du grand sceau. » Il écrit qu'une position historique dans la common law a été formulée par lord Mansfield en 1770, dans l'affaire R. v. Jonh Wilkes. Le professeur Edwards cite lord Mansfield, à la page 124 :

Le juge en chef ajoute que « les recherches les plus anciennes concernant la vacance du poste de procureur révèlent l'existence de précédents concernant des informations produites par le solliciteur général, à la chancellerie, et auprès des services juridiques de l'Échiquier [...]. Il existe des précédents concernant une réponse, l'opposition d'une exception, la formulation de réserves, la demande d'un jugement ou d'un ordre d'exécution, par le solliciteur général, pendant la vacance d'un autre poste. Nous nous souvenons tous, d'expérience, que chaque fois que le poste de procureur a été vacant, sa fonction a été exercée par le solliciteur général [...]. Ils s'en remettent au solliciteur général, qui tient ses pouvoirs des prérogatives inhérentes à la charge de procureur général [...]. »

(1600)

Le professeur Edwards étaye cet argument en citant de nouveau les propos de lord Mansfield, à la page 125 :

En l'occurrence, les affaires (qui ne peuvent être laissées en suspens) doivent être confiées à un autre conseiller du roi : une chose est certaine, c'est que l'ensemble des affaires et des pouvoirs du procureur est confié au solliciteur général.

D'accord avec lord Mansfield, Le professeur Edwards ajoute :

Cette déclaration concernant les positions relatives des deux légistes de la Couronne, qui est claire, exhaustive et représentative du style propre au célèbre juge en chef, est tout aussi valable aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque.

Honorables sénateurs, comme je le disais plus tôt, ce projet de loi ne fait pas que changer un nom. Le professeur Edwards a étudié la relation entre le procureur général et le solliciteur général et leurs rôles au Cabinet. Citant les propos du juge en chef Wilmot de la Cour des plaids communs, à la page 126, il ajoute :

[...] le solliciteur général est le secundarius attornatus; tout comme les tribunaux prennent connaissance d'office du procureur général, lorsqu'il y en a un, ils en font autant du solliciteur général et considèrent qu'il agit au nom du procureur lorsqu'il n'y en a pas. Il est un agent connu et assermenté de la Couronne, au même titre que le procureur; et lorsque le poste de ce dernier est vacant, le solliciteur général remplit toutes les fonctions inhérentes à cette charge.

Citant de nouveau le juge en chef Wilmot, il ajoute :

Le fait que la charge de procureur général échoit au solliciteur est démontré par toute une suite de textes, qui ne laissent aucun doute à ce sujet.

Honorables sénateurs, le Canada a des solliciteurs généraux depuis 1782. Après le début de la Confédération, le 23 juin 1887, sous le premier ministre conservateur sir John A. Macdonald, le projet de loi 42 prévoyant la nomination d'un solliciteur général, déposé par le procureur général et ministre de la Justice, sir John Thompson, a reçu la sanction royale. L'article 1 précise :

1. Le Gouverneur en conseil pourra nommer un fonctionnaire, qui sera appelé « Le solliciteur général du Canada, » et qui aidera au ministre de la Justice dans les travaux de conseil du ministère de la Justice, et sera chargé de remplir telles autres fonctions que lui assignera en aucun temps le Gouverneur en conseil.

Le texte législatif de sir John A. Macdonald était conforme à la Constitution et à la règle de common law voulant que le solliciteur général soit le secondarius attornatus, une règle vieille de plusieurs siècles et qui est en vigueur au Canada depuis 1782. Honorables sénateurs, le premier premier ministre du Canada avait clairement une connaissance approfondie du fonctionnement de notre système constitutionnel. Je crois que nous devrions suivre l'exemple de sir John A. Macdonald et maintenir notre régime constitutionnel. Je propose d'appuyer avec certaines réserves ce projet de loi et d'examiner ses répercussions sur le plan constitutionnel.

En conclusion, honorables sénateurs, le gouvernement crée, par le projet de loi C-6, un ministère gigantesque, un monstre constitutionnel qui est, je crois, étranger à notre système constitutionnel. Aux articles 4, 5 et 6, sous la rubrique « Attributions du ministre », on confère au ministre des pouvoirs que je qualifierais d'excessifs dans plusieurs domaines de compétence. Ainsi, un ministre détiendra un pouvoir absolu sur les Canadiens, qu'il s'agisse de l'habileté de maintenir la paix, d'intenter des poursuites ou de mettre sous garde, ou de pouvoirs en matière de renseignements, de sécurité, de douanes et de frontières, sans parler des pouvoirs en matière de libération conditionnelle, de réhabilitation et de clémence. Dans ce ministère, les pouvoirs coercitifs et contraignants abondent. Ce gigantesque ministère est une créature constitutionnelle indigeste qui nous est étrangère, à nous et à notre Constitution.

Les sénateurs devraient s'inquiéter de ce ministère, compte tenu, particulièrement, de l'absence d'études quant à sa création. Ce projet de loi devrait être appuyé avec réserve.

Honorables sénateurs, la réorganisation du gouvernement et de l'appareil gouvernemental est certainement dans les cordes du premier ministre et du Conseil privé. Le premier ministre a créé ce mégaministre, un dangereux mutant de ce qui était le solliciteur général, un serviteur personnel du premier ministre, son adjoint personnel. C'est inconstitutionnel, inopportun et irrégulier.

Étant donné ces innovations bizarres dans la loi et la Constitution, le premier ministre devrait comparaître devant le comité sénatorial pour expliquer pourquoi il a jugé bon d'abolir l'ancien poste de solliciteur général, qui était un élément important de l'administration de la justice, et dont les fonctions ont été reprises par ce mégaministre, et pourquoi il a décidé de subordonner ce mégaministre au premier ministre même. N'importe qui vous dira que ce qui fait le rôle constitutionnel propre des représentants juridiques de la Couronne, c'est leur indépendance, leur caractère distinct.

Autrement dit, honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, ce qui m'inquiète dans ce projet de loi, c'est que ce mégaministre est inconstitutionnel et inacceptable parce que des pouvoirs énormes sont réunis entre ses mains et que, ensuite, ce ministre, le vice- premier ministre, qui détient pareils pouvoirs, ne rend pas de comptes au Parlement, mais au premier ministre. À mon avis, honorables sénateurs, l'effet de tout ce bricolage constitutionnel est nettement préjudiciable parce qu'il a pour effet de mettre des Canadiens à la merci d'un ministre qui incarne cette concentration de pouvoirs disparates.

Honorables sénateurs, j'espère que nous aurons un bon débat sur les aspects complexes de ce projet de loi. J'espère que les honorables sénateurs lui accorderont l'attention qu'il mérite et comprendront que ce qui se passe ici est extrêmement complexe. Il n'a rien de mécanique; il soulève des questions constitutionnelles graves.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que le rôle du conseiller juridique de Sa Majesté peut être remodelé ou transformé. Ce n'est pas de cette manière que les choses se passent. J'espère que, lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité, nous convoquerons des témoins qui s'exprimeront sur ces points. Pour de nombreux sénateurs, ils peuvent sembler ésotériques et mystérieux, mais croyez-moi, ils ont une haute importance au plan constitutionnel. Il s'agit des personnes chargées de l'administration du système de justice et de la justice nationale.

Si j'en crois tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent, la création de ce projet de loi et le recours au solliciteur général semblent accidentels. C'est comme si l'on avait voulu lui donner un titre ou le supprimer et que quelqu'un avait dit : « Vous savez, nous avons besoin d'un solliciteur général; vous ne pouvez faire cela. » On a alors pensé : « Mettons le solliciteur général aux côtés du premier ministre comme ministre de la Sécurité publique ». Quelqu'un aurait alors dit : « Oh mon Dieu, je ne suis pas certain non plus que nous puissions faire cela, et peut-être avons-nous besoin d'un projet de loi pour arranger les choses ». Je ne sais pas. Je me livre à des conjectures. J'espère qu'il y a des réponses raisonnables et rationnelles.

Encore et toujours, lorsqu'on entend dire ici qu'un projet de loi n'est qu'une simple formalité ou qu'il est d'ordre administratif, il faut se méfier et l'examiner attentivement.

Je remercie les honorables sénateurs pour leur attention, et j'espère que je ne les ai pas trop ennuyés.

L'honorable Tommy Banks : L'honorable sénateur pourrait-elle répondre à une question?

Le sénateur Cools : Je suis toujours heureuse de parler au sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Madame le sénateur Cools devrait savoir qu'une rose est toujours une rose, quel que soit le nom qu'on lui donne. Un avocat débutant reste un avocat débutant, quel que soit le titre qu'on lui donne.

Ce qui me semble mystérieux — pour faire suite aux propos de l'honorable sénateur, qui a parlé de mystère —, ce sont les caractérisations de l'honorable sénateur dans ses propos au sujet du projet de loi.

J'en viens à ma question. J'ai un bon ami en Alberta que je vois souvent et que j'estime beaucoup. Il s'appelle Don Mazankowski. Madame le sénateur pourrait-elle nous dire quel titre il portait lorsqu'il se trouvait dans l'autre chambre?

(1610)

En outre, l'honorable sénateur pourrait-elle nous dire quelle partie de la Constitution du Canada nomme les personnes qui sont membres du gouvernement et leurs responsabilités et définit les règles selon lesquelles ces personnes peuvent être changées? L'honorable sénateur pourrait-elle aussi nous dire qui était le ministre de l'Effort de guerre avant que M. Mackenzie King en nomme un?

Le sénateur Cools : Je ne vois pas la pertinence de la question de l'honorable sénateur. Quoiqu'il ne soit pas très clair, je pense qu'il veut parler du poste de vice-premier ministre, une innovation récente, qu'occupait Don Mazankowski. C'est Allan J. MacEachen qui a été le premier à occuper ce poste, et il y a une histoire à ce sujet.

Le sénateur Mercer : Voilà un grand homme.

Le sénateur Cools : J'ai beaucoup de respect pour Allan. Permettez- moi de vous dire que j'ai déjà fait partie de l'équipe qu'il dirigeait ici même.

Le sénateur Tkachuk : A-t-il toujours un bureau gratuit ici?

Le sénateur Cools : L'expression « vice-premier ministre » ne représente pas une charge.

Le sénateur Banks : Pardon, ne représente pas quoi?

Le sénateur Cools : Ce n'est pas une charge. C'est une fabrication récente.

Ce que j'essaie de dire, et qui à mon avis nous échappe, c'est qu'on ne peut prendre ces anciens postes, les légistes de Sa Majesté, et les assujettir au premier ministre. Voilà ce que je dis. J'espère que c'est ce que l'honorable sénateur aura compris.

Lorsque les fonctions des procureurs généraux et des ministres de la Justice sont confondues, comme celles des solliciteurs généraux d'ailleurs, les résultats sont assez catastrophiques. Il suffit de regarder les documents produits sur la question. Il faut consulter la commission McDonald, qui a étudié le rôle véritable du solliciteur général et de la GRC, ou la commission Mackenzie — il y en a eu plusieurs. Il faut regarder l'histoire pour voir la complexité de cette information.

L'honorable sénateur pourrait-il reformuler sa deuxième question, car je ne suis pas certaine d'avoir bien compris?

Le sénateur Banks : La prochaine fois que je verrai M. Mazankowski, je lui dirai qu'il était une fabrication, tout comme sa charge.

Le sénateur Cools : C'est une fabrication. Je suis désolée, mais l'expression « vice-premier ministre » est un concept pour l'égo.

Le sénateur Banks : Je reprenais l'expression « fabrication » de l'honorable sénateur.

Ma deuxième question était la suivante : où dans la Constitution trouve-t-on la liste des titres qui formeront les ministères du gouvernement du Canada?

Le sénateur Cools : Je maintiens ma position. J'affirme que notre Constitution confère tous les pouvoirs exécutifs à Sa Majesté la Reine. Ce n'est pas une invention. C'est un fait constitutionnel et légal.

Je dis à l'honorable sénateur que ces deux postes sont ceux des légistes de Sa Majesté la Reine. Si je devais suivre le fil conducteur des déclarations du sénateur, il dirait : « Où trouve-t-on alors dans la Constitution la charge de gouverneur général? »

Le sénateur Banks : C'est prévu dans la Constitution.

Le sénateur Cools : Non, ce ne l'est pas! Le poste de gouverneur général n'est pas institué par l'AANB. Le poste de gouverneur général est institué, de nos jours comme en 1867, par lettres patentes et commissions royales. Vous ne saviez pas cela, n'est-ce pas?

Ce que je veux dire, c'est que le fondement dont je parle au sujet des légistes de Sa Majesté se trouve dans l'article de la Constitution qui confère le pouvoir exécutif à Sa Majesté.

Si le sénateur veut vraiment que je cite des articles, nous pouvons continuer. Il faut toutefois comprendre qu'il est ici question d'anciens postes dont la création est antérieure certainement à la naissance du Canada. Je pense, honorables sénateurs, que vous ne pouvez pas simplement les abolir, souhaiter leur disparition ou les transformer. Quel sera le poste suivant? Lequel transformerons- nous?

Le sénateur peut répondre à la question que j'ai soulevée. Le premier ministre peut-il ainsi prendre un décret du conseil et conférer au premier ministre du Canada le titre de roi ou de président?

Le sénateur Banks : J'imagine qu'il pourrait avoir ce titre pour environ un jour et demi.

Le sénateur Cools : Vous croyez? J'appelle cela de la trahison.

Le sénateur Banks : Je suis certain que l'honorable sénateur sera d'accord avec moi pour dire qu'il faut étudier ce projet de loi; aussi, j'informe le Sénat de mon intention de renvoyer le projet de loi C-6 au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour qu'il l'étudie plus en profondeur une fois qu'il sera adopté. Je demande maintenant que la question soit mise aux voix.

Le sénateur Cools : Vous ne pouvez pas demander le vote. Il y a des intervenants qui désirent prendre la parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret de vous annoncer, honorable sénateur, que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Cools : Quelle question le sénateur veut-il mettre aux voix?

Le sénateur Mercer : Votre temps est écoulé.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Cools : Pas du tout. J'essayais d'obtenir des précisions. Lorsque le sénateur Banks a dit « Je demande maintenant que la question soit mise aux voix », de quelle question parle-t-il?

Son Honneur la Présidente intérimaire : En ce cas, votre temps est écoulé, sénateur. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Cools : Pas vraiment, honorables sénateurs.

Des voix : Le vote!

Le sénateur Cools : J'avais l'impression d'avoir un droit de réponse pour clôturer le débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Pourriez-vous faire une brève intervention, car votre temps est écoulé?

Le sénateur Cools : Je n'avais pas prévu le faire aujourd'hui. Si j'avais su que c'est ce qu'on demanderait aujourd'hui, je serais venue avec deux discours. Vous voyez que je n'utilise pas des discours tout rédigés.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je rappelle aux honorables sénateurs qu'un sénateur ne peut prendre la parole qu'une fois à propos d'un projet de loi, et madame le sénateur Cools a déjà utilisé tout son temps.

Je suis obligée de demander, si personne d'autre ne souhaite prendre la parole : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le sénateur Cools : Je voudrais, à des fins d'éclaircissement, dire que ce processus semble...

Des voix : À l'ordre!

Le sénateur Cools : Je respecte tout à fait le Règlement, honorables sénateurs. Vous ne le respectez pas.

Le sénateur Losier-Cool : Le vote a été demandé.

Le sénateur Mercer : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le sénateur Cools : Cela va être beau.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Banks, avec l'appui de l'honorable sénateur Callbeck, propose : Que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour étude complémentaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Banks, avec l'appui de l'honorable sénateur Callbeck, propose...

Le sénateur Cools : Le sénateur accepterait-il une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur, mais il ne s'agit pas d'une motion faisant l'objet d'un débat.

Le sénateur Cools : Le sénateur pourrait-il préciser pourquoi ce comité? La question est tellement complexe.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce qu'il y a unanimité pour que le sénateur Banks précise pourquoi il demande à ce que le projet de loi soit renvoyé à ce comité?

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : En ce qui nous concerne, la motion ne peut faire l'objet d'un débat, Votre Honneur. Je pense que nous devrions procéder à la mise aux voix.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il n'y a pas consentement unanime. Comme la motion ne peut faire l'objet d'un débat, l'honorable sénateur Banks, avec l'appui de l'honorable sénateur Callbeck, propose : Que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Le sénateur Cools : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Banks, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, avec dissidence.)

PROJET DE LOI CANADIEN SUR L'ÉPARGNE-ÉTUDES

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-5, Loi sur l'aide financière à l'épargne destinée aux études postsecondaires.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre jour de la prochaine séance.)

(1620)

PROJET DE LOI METTANT EN VIGUEUR L'ACCORD TLICHO SUR LES REVENDICATIONS TERRITORIALES ET L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-14, Loi mettant en vigueur l'accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale conclu entre le peuple tlicho, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada et modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Sibbeston, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plamondon, appuyée par l'honorable sénateur Ringuette, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel).—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, le sénateur Rompkey a ajourné à son nom le débat sur ce projet de loi, au sujet duquel je prends la parole aujourd'hui. Je suis ravie de participer au débat sur le projet de loi S-19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel). Je remercie madame le sénateur Plamondon d'avoir présenté cette importante mesure attendue depuis longtemps. Elle a toujours été une ardente défenseure des consommateurs canadiens.

Dans son discours, madame le sénateur Plamondon nous a rappelé qu'une infraction criminelle protège les personnes pauvres et vulnérables dont des prêteurs sans scrupules pourraient abuser. La disposition actuelle a pratiquement 25 ans, et madame le sénateur Plamondon a raison de penser qu'elle a besoin d'être mise à jour.

Le projet de loi S-19 propose de modifier deux définitions de l'article 347 du Code criminel. Le premier changement porte sur la limite à partir de laquelle les taux d'intérêt sont jugés « criminels ». Selon la disposition actuelle du Code criminel, un prêteur peut imposer en toute légalité jusqu'à 60 p. 100 d'intérêt annuel effectif. Le projet de loi S-19 modifierait cette limite afin de la rendre équivalente au taux d'intérêt directeur de la Banque du Canada plus 35 p. 100.

Le second changement vise la définition du mot « intérêt ». La définition actuelle exclut les frais d'assurance. Le projet de loi S-19 supprimerait cette exclusion afin que les frais d'intérêt soient compris dans la limite globale des taux d'intérêt. Cependant, j'ai examiné ce que nous appelons le « marché du crédit parallèle » au Canada. Honnêtement, j'ai été vraiment surprise et déprimée par certaines de mes constatations. Je dois admettre que je ne savais pas que les entreprises pouvaient imposer jusqu'à 60 p. 100 d'intérêt, et ce, en toute légalité. Cela dépasse l'entendement.

D'après ce que j'ai pu voir, les seules entreprises canadiennes qui s'approchent de la limite criminelle de 60 p. 100 sont les prêteurs sur salaire. Les prêts sur salaire représentent la forme de crédit la plus extrême au Canada aujourd'hui. Ces entreprises font miroiter l'accès facile au crédit pour toute personne qui peut prouver qu'elle a un emploi ou une source de revenu stable. Lorsqu'on tient compte de tous les coûts d'emprunt liés à un prêt sur salaire, le taux d'intérêt effectif dépasse facilement les 60 p. 100 par année.

Je vais citer certains chiffres tirés d'une étude intitulée « Accès au crédit sur le marché parallèle du crédit à la consommation », réalisée par Ian Ramsey, professeur de droit à Osgoode Hall, Toronto, et publiée en février 2000. Elle contient les résultats d'un sondage portant sur l'emprunt sur salaire effectué dans la région du Grand Toronto. Il indique le coût de l'emprunt calculé pour 7 jours et pour 14 jours. Pour un emprunt de 7 jours, le coût varie entre 670 p. 100 et 1 300 p. 100. Pour un emprunt de 14 jours, le coût varie entre 335 p. 100 et 650 p. 100.

Selon leurs propres dires, les prêteurs sur salaire imposent des taux presque illégaux. La plupart d'entre eux imposent un taux légèrement supérieur à 1 p. 100 par semaine, soit un peu moins de 60 p. 100 par année. Il suffit de se pencher sur la méthode qu'ils utilisent pour calculer le taux d'intérêt pour constater que ces taux sont quasiment criminels. Cependant, l'intérêt exigé n'est souvent qu'une partie infime du coût total de l'emprunt. Comme le montre le rapport de M. Ramsey, ces prêteurs imposent des frais administratifs et autres qui sont de loin supérieurs aux intérêts qu'ils exigent.

Honorables sénateurs, les frais administratifs à payer si une dette n'est pas remboursée dans les délais prévus est un des exemples du coût potentiel que devra assumer l'emprunteur. Les prêteurs insistent pour dire qu'il ne s'agit pas d'intérêts. Dans certains cas, il est précisé dans les modalités de l'emprunt que la date limite pour le remboursement de la dette est la veille du jour de paye. Par conséquent, cette amende pour remboursement tardif est inévitable. En somme, c'est un des coûts associés à l'emprunt sur salaire.

Les frais d'encaissement des chèques en sont un autre exemple. Bien des sociétés de prêt sur salaire exigent que l'emprunteur leur remette un chèque postdaté comme garantie de remboursement. Lorsque le prêt vient à échéance, le prêteur impose des frais d'encaissement de chèque pour se faire rembourser. Chez l'une des grandes sociétés de prêt sur salaire au Canada, les frais d'encaissement de chèque s'élèvent à 9,99 $ plus 7,99 p. 100 du montant du chèque.

Fait étonnant, les sociétés de prêt sur salaire sont nombreuses au Canada. On dénombre environ 1 200 succursales, et ce nombre est à la hausse. Il semblerait qu'un million de Canadiens aient déjà eu recours à leurs services. Non seulement les succursales se multiplient au Canada, mais ce genre de service prend rapidement de l'expansion sur Internet. Les prêteurs à l'intérieur comme à l'extérieur du Canada ont très bien réussi à offrir des services de prêt sur salaire par voie électronique aux internautes canadiens.

Honorables sénateurs, les services de prêt sur salaire existent depuis peu au Canada. Par conséquent, ils sont peu réglementés. Certaines provinces ont mis sur pied des programmes d'attribution de permis ou d'enregistrement à l'intention des sociétés de prêt sur salaire. À mon avis, nous avons raison de nous préoccuper de la croissance non réglementée de ce secteur. Le projet de loi S-19 arrive à point nommé, puisqu'il nous donne l'occasion d'étudier ce nouveau secteur d'activité afin de déterminer si nos lois doivent s'adapter à ce nouveau phénomène.

Honorables sénateurs, en présentant le projet de loi S-19, madame le sénateur Plamondon a soulevé deux grandes questions au sujet des définitions figurant dans la loi actuelle. Je suis d'accord avec elle pour dire que les définitions sont désuètes. Grâce à la nouvelle définition du « taux criminel » proposée dans le projet de loi S-19, c'est-à-dire le taux d'escompte plus 35 p. 100, le taux traduira bon an mal an les réalités économiques sans qu'on ait à modifier le Code criminel. Cela me semble une approche raisonnable. Toutefois, je pense que le comité chargé d'étudier le projet de loi voudra s'attarder aux détails afin de déterminer si 35 p. 100 est un taux approprié.

(1630)

Pour ce qui est des primes d'assurance, madame le sénateur part du principe qu'elles font partie des coûts d'emprunt et qu'elles devraient donc être incluses dans les limites globales. Je suis d'accord avec cette logique. Toutefois, je crois que le comité voudra examiner les raisons pour lesquelles elles ont été expressément exclues par la passé pour déterminer si elles sont toujours valides aujourd'hui.

Je crois aussi que le comité devrait pousser plus loin son étude du projet de loi S-19 et se pencher sur les éléments qui devraient être inclus dans le calcul de l'intérêt. Il suffirait peut-être de préciser la définition ou encore faudrait-il inclure certains des frais administratifs des sociétés de prêt sur salaire.

Nous nous inquiétons également de la disposition du paragraphe 347(7) du Code qui prévoit que des poursuites ne peuvent être engagées qu'avec le consentement du procureur général d'une province. Les procureurs de la Couronne interprètent généralement cela comme signifiant qu'ils ne devraient intervenir que dans des cas bien précis. Les comités devraient évaluer la nécessité de cette exigence relative au consentement.

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec madame le sénateur Plamondon et je la félicite d'avoir pris cette initiative. Sa proposition visant à moderniser la définition des taux d'intérêt criminels est très logique. J'exhorte mes collègues à appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture ainsi qu'au moment du renvoi subséquent au comité, qui pourra se pencher sur les nombreuses questions soulevées au cours de ce débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, si madame le sénateur Plamondon prend la parole maintenant, son discours mettra fin au débat sur la motion.

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier les sénateurs, tant du côté libéral que du côté conservateur, qui ont appuyé mon projet.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Plamondon, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose : Que projet de loi S- 21, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants), soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je vais vous entretenir du projet de loi qui ne fait autre chose que d'abolir l'article 43 du Code criminel, qui se lit comme suit :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

J'aimerais porter à la connaissance de mes collègues l'étude que mes collaborateurs et moi avons faite au cours de la dernière année pour expliquer l'origine de cet article et la raison pour laquelle cet article du Code criminel doit être abrogé pour qu'il rejoigne ceux qui ont été annulés dans le passé.

D'abord, je veux expliquer, selon le dictionnaire Webster, le mot « corriger » : on y mentionne qu'il s'agit d' « infliger une correction à quelqu'un. Punir dans le but de réformer ou d'améliorer un comportement. » Quant au mot « correction », on parle de « châtiments corporels; ou de coups donnés à quelqu'un. » Il faut bien s'entendre sur les termes de l'article 43. Dans le même article, on parle de soins. Or le mot « soins », dans le même dictionnaire, veut dire : « Moyens par lesquels, on s'efforce de rendre la santé à un malade ou d'avoir pour lui des attentions délicates. » Vous conviendrez avec moi que les mots « corriger » et « soins », qui se retrouvent dans le même article, imposent une certaine réflexion.

Je pense que l'historique de l'article doit être fait pour la raison très simple qu'il est si bien inscrit dans les moeurs de notre système juridique, en particulier dans notre système de common law. Je vais vous donner les origines pour qu'on puisse réfléchir dans le futur. L'histoire nous enseigne comment aller dans le futur.

On peut retourner aussi loin que l'autorité du pater familias, pater potestas, dans le droit romain, qui donnait au père de famille le pouvoir d'aller jusqu'à tuer ses enfants, sa femme et ses serviteurs. C'est seulement en 365 après Jésus-Christ qu'on a aboli le droit de tuer et qu'on est passé à un mode plus doux, c'est-à-dire frapper.

En 1770, Blackstone écrivait que les Romains avaient le droit de vie ou de mort sur leurs enfants. Il disait tout simplement que nous avions maintenant modernisé et qu'on permettait :

[Traduction]

Un châtiment modéré est un pouvoir ou un droit conféré au père, ou à son délégué, qui lui permet de corriger son enfant n'ayant pas atteint l'âge de la majorité, d'une manière raisonnable, aux fins d'éducation. L'Église et l'État encourageaient les parents, les professeurs et les maîtres des apprentis à administrer régulièrement des punitions corporelles pour apprendre l'obéissance aux enfants. Il fallait casser le caractère des enfants en les frappant pour leur apprendre l'obéissance, leur inculquer des connaissances et leur faire adopter un comportement acceptable.

[Français]

Il semblerait qu'en 2004, on en est encore à cette interprétation. Notre droit commun vient de l'Angleterre. Je vous cite une célébrité, la reine Victoria, qui croyait fermement en son temps et qui répétait :

Qui aime bien châtie bien.

La reine Victoria attribuait cette phrase à Salomon. En fait, George Bernard Shaw avait écrit cette phrase. Elle faisait partie de la période victorienne, alors que la Grande-Bretagne permettait et autorisait les enseignants et les parents à frapper les enfants. Un autre personnage célèbre d'Angleterre, Churchill, a été retiré de son collège par ses parents parce qu'à St. George Preparation School, il recevait des coups brutaux, il détestait son école et la vie d'anxiété qu'il avait vécue durant ces deux années. Donc, un politicien d'Angleterre se rappelait les coups et blessures qu'il avait reçus.

Les punitions corporelles ne sont interdites en Angleterre que depuis 1986 dans les écoles publiques et depuis 1999 dans les écoles privées. Ce qui a suivi dans le domaine juridique ne change pas aussi facilement dans le domaine politique.

(1640)

Cet automne, le Parlement britannique, sous la gouverne d'un gouvernement quasi socialiste, a voté contre l'abrogation d'un article similaire à l'article 43, conférant encore le pouvoir aux parents de frapper les enfants. C'est ce même Parlement, honorables sénateurs, qui interdit maintenant la chasse à courre afin de protéger ces pauvres bêtes que sont les renards contre une meute de chiens.

On va continuer à frapper les enfants mais, d'autre part, on va éliminer une tradition britannique qui s'appelle la chasse à courre. Au Canada, dans la codification du Code criminel en 1892, la loi a cessé d'autoriser le châtiment corporel aux épouses et aux domestiques. L'article 43 date de 1892. Nous avons donc conservé un article de loi qui date de presque deux siècles.

Ultérieurement, on a aboli le fouet pour les prisonniers parce que ce genre de punition est demeuré dans le Code criminel jusqu'en 1973, même si ce n'était pas exercé. La punition corporelle, au moment où l'on se parle, n'existe que pour les enfants. Autrement, ce sont des voies de faits simples ou graves.

L'infraction de voie de faits grave s'applique à tout le monde. Celle de voie de faits simple s'applique encore aujourd'hui, mais seulement pour les jeunes enfants de 2 à 12 ans, dans le cas où le parent voudrait se défendre en prétendant vouloir corriger son enfant de façon raisonnable.

Notre étude m'a forcée à aller voir ce qui se passe dans des pays où on a effectivement cessé cette pratique. En Suède, on a commencé à légiférer en 1979 pour retirer ce droit aux parents, même si à ce moment-là la population en général appuyait encore la correction physique.

Cette modification à la loi avait été accompagnée d'une campagne nationale d'information auprès des parents, les informant des dangers et des risques importants pour les enfants. La campagne de sensibilisation a fait changer l'opinion publique de façon dramatique. Les Suédois ont utilisé les cartons de lait pour informer les parents que frapper les enfants était une infraction. De cette façon, chaque foyer était informé du fait que la loi avait changé et que les parents n'étaient plus autorisés à frapper les enfants.

Actuellement, des pays comme l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, Chypres, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, l'Islande, la Lettonie, la Norvège et l'Ukraine, et neuf autres États au moins, ont déjà légiféré en ce sens. Nous ne parlons pas d'innover dans ce domaine.

En 1991, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dont l'article exige la protection des enfants contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales.

En réponse aux premier et deuxième rapports du Canada sur la convention, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a recommandé d'interdire expressément les châtiments corporels contre les enfants à l'école et dans la famille.

J'informe les honorables sénateurs que le 20 juin 1995 et le 27 octobre 2003, les Nations Unies, par le biais de rapports, ont affirmé que le Canada ne respectait pas les termes du traité qu'il avait signé. Le comité, qui devait faire rapport, a noté avec une profonde préoccupation que le Canada n'avait pas adopté de textes de loi visant à interdire expressément toute forme de châtiment corporel et qu'il n'avait pris aucune mesure pour abroger l'article 43 du Code criminel, qui autorise encore les châtiments corporels.

Honorables sénateurs, je vais quand même rendre hommage aux parlementaires qui ont déjà soumis des projets de loi d'initiative privée pour modifier cet article, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. Pour leur part, les gouvernements n'ont jamais déposé de projet de loi en ce sens.

Je pense qu'à l'heure actuelle, le Conseil de l'Europe, qui fait autorité, impose à tous les pays en Europe, par le bias de l'Assemblée parlementaire, l'interdiction de frapper les enfants. Je cite le dernier rapport du mois de juin 2004 :

[Traduction]

L'Assemblée note également que la Cour européenne des Droits de l'Homme en est venue à conclure, par des arrêts successifs, que les châtiments corporels violaient les droits de l'enfant tels que garantis par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme [...] tant la Commission européenne des Droits de l'Homme que la Cour ont souligné que l'interdiction de tout châtiment corporel n'était pas une violation du droit au respect de la vie privée et familiale ou à la liberté de religion.

Il importe de souligner que :

[...] tous les États membres ont ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant; cette convention exige des États qu'ils protégent les enfants contre toutes formes de violence physique ou mentale de la part des adultes qui en ont la garde. Le Comité des droits de l'enfant, organe conventionnel du traité, a constamment interprété cette convention comme exigeant des États, à la fois l'interdiction de tous les châtiments corporels à l'égard des enfants et des actions de sensibilisation et d'éducation du public.

Bien sûr, l'objectif de mon projet de loi, honorables sénateurs, est d'informer la population que cela ne devrait plus se produire.

[Français]

Pourquoi ai-je préparé ce projet de loi? D'abord, j'attendais le jugement de la Cour suprême du Canada qui, en janvier dernier, a maintenu la légalité de l'article 43 tout en restreignant sa portée.

Les juges majoritaires ont dit, et je cite :

L'emploi de la force doit viser à éduquer ou à corriger, c'est-à-dire à contrôler le comportement réel d'un enfant sur lequel la correction peut avoir un effet bénéfique.

Deuxième argument :

Il ne permet que l'emploi d'une force raisonnable pour infliger une correction et il donne aux parents et aux instituteurs la capacité d'éduquer raisonnablement l'enfant sans encourir de sanctions pénales.

J'aimerais apporter un bémol car, avec l'explication des juges Arbour et Deschamps, nous aurons l'occasion de constater que cette notion du raisonnable n'est pas très raisonnable.

Le juge Binnie était dissident, pour une part, dans le cas des enseignants. Il a dit que le rôle de l'article 43 était de protéger les pères, les mères et les instituteurs et non les enfants. C'est assez extraordinaire qu'un juge de la Cour suprême donne cette connotation à cet article de droit.

Je passe aux deux principaux arguments de la juge Arbour, qui a siégé à la Cour pénale internationale et qui a été promue à la Cour suprême. Madame le juge Arbour affirme que l'article 43 porte atteinte aux droits de l'enfant, à la sécurité de sa personne, et cette atteinte n'est pas conforme au principe de justice fondamentale applicable en raison de l'imprécision inconstitutionnelle de l'expression en cause.

Pour rassurer les parents qui auraient un jour un geste d'impatience, madame le juge Arbour dit également que le but d'abolir l'article 43 n'est pas de causer des problèmes à tous les parents qui un jour auront un geste d'impatience. Le juge Arbour nous dit :

Les moyens de défense de common law fondés sur la nécessité et le principe dit de minimis protègent suffisamment ceux et celles, parmi eux, qui adoptent un comportement excusable ou anodin.

Donc, dans un mouvement d'impatience, on est loin de la correction pour éduquer. Il n'y aura pas de poursuite criminelle, il n'y aura pas de voie de faits. Par exemple, pour séparer deux enfants qui sont en train de se crêper le chignon, les parents ont plutôt le devoir d'intervenir pour éviter de plus grands maux.

Quant à madame le juge Deschamps, qui est une juge d'une autre génération, elle donne des arguments qui sont d'une importance capitale, encore plus pour nous qui avons travaillé au moment où la Charte des droits et libertés a été constitutionnalisée.

Elle parle de l'article 15 de la Charte, visant les mesures gouvernementales qui ont un effet ou un objet discriminatoire fondé sur un motif analogue et qui constituent une atteinte à la dignité de la personne.

(1650)

Au cœur de l'article 15 se trouve la promotion d'une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît en tant qu'êtres humains. Dans le cas présent, la décision de la Cour suprême permet maintenant d'exercer une force physique simplement contre les enfants de 2 à 12 ans. Donc, avant l'âge de 2 ans, vous ne pouvez pas frapper l'enfant, après 12 ans, vous ne pouvez pas frapper. L'argument de la juge Deschamps est de portée assez générale et dit que tous les êtres sont égaux et devraient mériter le même traitement digne de leur personne.

L'article 265 crée l'infraction de voies de fait et ne permet pas d'utiliser la force dans aucune circonstance, sauf dans celles énumérées pour protéger des êtres plus faibles ou pour intervenir dans des cas où on peut sauver la vie d'une autre personne.

Je pense que la juge donne d'autres arguments. Elle parle des effets préjudiciables de cette permission d'utiliser la force. Elle touche un droit si fondamental pour le groupe le plus vulnérable que sont les enfants que les effets bénéfiques doivent être extrêmement convaincants pour être proportionnels, c'est-à-dire qu'il faudrait que les bénéfices de frapper soient tellement importants qu'ils puissent justifier qu'on les utilise.

Chaque fois qu'on fait une enquête, on se rend compte que cela n'a aucun effet bénéfique. La juge conclut que cet article ne satisfait pas aux normes établies par la Charte et, par conséquent, la primauté de la Constitution, celle qui est fondée sur l'égalité des personnes, ne donne pas le droit aux parents de frapper des enfants de 2 à 12 ans.

J'aimerais porter à votre attention deux rapports assez récents. Face à cette pratique, à cette tradition, dès qu'on demande si cela apporte des désavantages et des mauvais effets, 71 p. 100 de la population canadienne dit que si cela ne produit pas des effets, c'est- à-dire de corriger et d'avoir un enfant mieux éduqué, elle n'est pas d'accord avec cette mesure. Plus des deux tiers de la population canadienne se rangent derrière cet argument.

Mais l'argument le plus percutant vient d'une étude très récente. Statistique Canada, le 25 octobre 2004, a publié un rapport sur une étude réalisée auprès de 2 000 enfants. L'étude a permis de déterminer que les enfants âgés de 2 à 3 ans, qui vivaient dans des milieux punitifs, en 1994, ont obtenu, sur l'échelle du comportement agressif, par exemple brutaliser les autres ou faire preuve de méchanceté, un score de 39 p. 100 supérieur à celui des enfants vivant dans un milieu moins punitif. Je parle de touts-petits de 2 et 3 ans.

La différence était encore plus marquée, six ans plus tard, soit en 2000. Les mêmes enfants ont été examinés et ils ont continué à vivre dans un milieu agressif. Lorsque les enfants étaient âgés de 8 et 9 ans, ceux vivant dans les milieux punitifs ont obtenu, sur l'échelle du comportement agressif, un score de 83 p. 100 supérieur à celui des enfants vivant dans des milieux moins punitifs. Ceci veut dire qu'après six ans d'exercice de violence répétitive, continue, seulement 17 p. 100 des enfants n'ont pas adopté un comportement agressif.

Quels sont les résultats? Voici ce que Statistique Canada constate parmi les résultats à long terme : agression, délinquance, crime et mauvais résultats scolaires, chômage à l'âge adulte et autres situations négatives. Autrement dit, lorsqu'on commence sa vie dans la violence, on est incapable d'établir des contacts positifs avec les autres, on ne peut pas résoudre les conflits et on peut difficilement se développer normalement comme enfant.

Il faut noter aussi qu'il n'y a aucune différence entre les enfants qui vivent dans des familles à revenu modeste et ceux vivant dans des familles très à l'aise. Nous parlons d'enfants de 2 à 3 ans qui ont été revus plus tard, à 8 et 9 ans. Donc, ce n'est pas la question financière, ce n'est pas la question matérielle dans le cas présent qui fait qu'un enfant montre de l'agressivité, c'est la façon dont l'enfant est traité. L'étude le prouve de façon précise.

Plus récemment, le Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants a réuni la plupart des conclusions de plusieurs études qui nous démontrent les résultats finaux de la violence exercée auprès des enfants. Ces enfants ont tendance à infliger des comportements violents à d'autres enfants. Si les parents les frappent, il y a de grosses chances qu'ils frappent d'autres enfants. Il y a aussi une détérioration de la relation parent-enfant. Comment établir un lien de confiance lorsqu'on frappe son enfant pour tout et pour rien?

Les risques les plus graves de la punition corporelle sont la dépression, la tristesse, l'anxiété et le désespoir chez les enfants. Ces enfants doivent être pris en charge car ils se sentent abandonnés par des parents qui sont supposés les aimer et ils adoptent des comportements qui peuvent les conduire au suicide. Il est difficile pour ces enfants d'apprendre à avoir des comportements normaux avec leur père et d'avoir de l'empathie pour d'autres.

On remarque d'autres comportements antisociaux. L'étude démontre, en plus de la délinquance, l'intimidation, le taxage dans les écoles, les mensonges, l'absence de remords, car chez les enfants physiquement punis, la violence est une forme habituelle de règlement de conflits.

En conclusion, nous avons fait une recherche importante de tous les dossiers qui ont été publiés. Le dernier ou l'avant-dernier rapport important qui a été publié est le Joint Statement on Physical Punishment of Children and Youth. Une centaine d'organisations ont participé à une conférence nationale à Ottawa en septembre 2004. Je vais vous lire la conclusion des spécialistes, des psychologues, des pédiatres, des travailleurs sociaux, de ceux qui œuvrent auprès de l'enfance à travers le pays. Leur conclusion, présentée à la page 17 de leur rapport, dit :

[Traduction]

Il a été démontré, de façon constante, que les punitions corporelles constituent une façon inefficace, voire préjudiciable, de gérer le comportement des enfants. Elles présentent un risque de blessure corporelle et nuisent aux objectifs des parents et des prestataires de soins, soit une adaptation psychologique, une socialisation et une intériorisation morale saines ainsi que le développement de relations adulte-enfant non violentes et positives. Le recours aux punitions corporelles représente une infraction aux droits des enfants à la dignité et à l'intégrité physique.

Dans le but de réduire la prévalence des punitions corporelles des enfants et des adolescents, il faut entreprendre trois vastes initiatives à l'échelle nationale.

[Français]

À cela, je souscris entièrement et j'aimerais en faire part à mes collègues.

[Traduction]

Premièrement, des campagnes de sensibilisation de la population doivent livrer un message clair, uniforme et tenace selon lequel il est inadmissible de faire mal aux enfants pour les punir et que les punitions corporelles présentent des risques de tort physique et psychologique. Deuxièmement, il faut lancer des stratégies de sensibilisation de la population afin d'augmenter les connaissances des Canadiens en matière de développement des enfants et de les aider à acquérir de bonnes compétences parentales, et il faut appuyer les programmes existants. Troisièmement, le Code criminel du Canada doit offrir aux enfants la même protection contre les agressions physiques qu'il offre aux adultes et le gouvernement du Canada doit remplir ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies.

(1700)

[Français]

C'est dans cet esprit que ce projet de loi a été présenté. J'aimerais remercier plusieurs groupes. Tout d'abord, une lettre a été publiée dans le Globe and Mail. Par la suite, 48 associations ont écrit au premier ministre pour lui demander d'abolir l'article 43. Ces associations sont composées de gens compétents qui oeuvrent dans ce domaine.

J'aimerais remercier mon personnel, tout particulièrement Mme Doris Berthiaume, une jeune avocate qui attend un bébé; le personnel de recherche de la Bibliothèque du Parlement, Mme Julie Cools et M. Wade Raaflaub; les gens du CHEO, qui ont eu l'initiative d'organiser cette conférence à Ottawa; la Coalition 43, sous l'habile gouvernance de Mme Corinne Robertchaw.

Je veux aussi remercier des personnes indépendantes qui représentent des professions très importantes, comme le professeur et médecin Robin Walker, qui est président de l'Association canadienne des pédiatres, association qui recommande unanimement l'abrogation de cet article du Code criminel.

Au nom des 145 organisations canadiennes et des 16 grands chercheurs et hommes de science qui appuient cette mesure, et en mon nom personnel, j'invite les honorables sénateurs à adopter ce projet de loi.

Avant de terminer, j'aimerais souligner que le projet de loi recommande une période d'un an entre la santion royale et l'entrée en vigueur de la loi. Entre-temps, il est recommandé d'entreprendre une campagne de sensibilisation. Ce serait une campagne de sensibilisation nationale de douze mois réalisée en collaboration avec les provinces et les organisations qui ont appuyé cette mesure.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

[Traduction]

PROJET DE LOI VISANT À MODIFIER LE NOM DE LA CIRCONSCRIPTION ÉLECTORALE DE KITCHENER—WILMOT—WELLESLEY—WOOLWICH

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Terry M. Mercer propose : Que le projet de loi C-302, Loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich, soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

— Honorables sénateurs, je suis heureux de parrainer le projet de loi C-302, tendant à modifier le nom de la circonscription électorale de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich, et de lancer le débat à l'étape de la deuxième lecture. Le seul titre du projet de loi doit vous faire comprendre pourquoi il faut modifier le nom de la circonscription.

Tous les dix ans, un recensement est effectué au Canada, et des commissions de délimitation des circonscriptions électorales sont créées dans chacune des provinces et chargées d'examiner la délimitation des circonscriptions électorales afin d'assurer une bonne représentation à la Chambre des communes. Les travaux de ces commissions ont mené à un nouveau décret de représentation électorale déclaré en vigueur par la proclamation prise le 25 août 2003. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales a tenu des audiences au sujet de la circonscription fédérale de Waterloo-Wellington. Dans le cadre du processus de remaniement, il a été décidé que la circonscription perdrait le comté de Wellington. La partie ouest du comté de Wellington a été cédée à la circonscription de Perth—Wellington, et la partie est de la circonscription de Wellington a été intégrée à la circonscription de Wellington—Halton Hills.

Toujours dans le cadre de ce remaniement, une partie de l'ex- circonscription de Cambridge et une partie de la circonscription de Kitchener-Centre ont été ajoutées à l'ancienne circonscription de Waterloo—Wellington. Avec l'ajout de la ville de Kitchener et l'augmentation de la population, on a jugé que ce secteur était assez peuplé pour que la région de Waterloo forme à elle seule une nouvelle circonscription.

Cette circonscription comprend la partie sud de la ville de Kitchener et les comtés de Wilmot, Wellesley et Woolwich. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales a, dans sa sagesse, appelé la nouvelle circonscription Kitchener—Conestoga, en l'honneur d'un village dans la circonscription nommé Conestoga, ainsi que de la rivière Conestoga, qui traverse la circonscription, mais probablement surtout en fonction des charrettes Conestoga, qui ont servi au transport des Mennonites de la Pennsylvanie venus s'établir dans cette région du sud-ouest de l'Ontario. Ce fut un jalon dans l'histoire que ce nom devienne à nouveau connu du public. Par la suite, les élections fédérales de 2004 ont donné lieu à une campagne à l'intérieur des limites de la nouvelle circonscription de Kitchener—Conestoga.

La circonscription de Kitchener—Conestoga est devenue celle de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich aux termes du projet de loi C-20, qui est entré en vigueur le 1er septembre 2004, après les élections. Durant les délibérations de la commission, on a proposé qu'au lieu de retenir le nom de Kitchener—Conestoga, le nom de Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich soit considéré comme le nom de la circonscription. Cette proposition a été, bien entendu, rejetée par tous les intéressés. On a décidé de conserver le nom de Kitchener—Conestoga, et tous les partis croyaient que c'était le cas. Cependant, une erreur a été commise. Le nom a été changé et on nous demande de corriger cet oubli.

Ce projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté par mon collègue de l'autre endroit, M. Lynne Myers, pour corriger cette erreur. On souhaite revenir au nom original, Kitchener—Conestoga.

En conclusion, il convient de noter que ce projet de loi a, du consentement unanime de tous les partis, franchi toutes les étapes à l'autre endroit rapidement et sans amendement.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, puis-je poser deux ou trois questions au sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Oui.

Le sénateur Stratton : Je voudrais être clair : Kitchener—Conestoga est un nom historique. Il représente les charrettes, la rivière et la ville. Pourquoi a-t-on changé le nom de la circonscription pour Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich? L'honorable sénateur sait-il d'où est venue cette idée?

Le sénateur Mercer : En examinant la carte de la circonscription, je vois des régions comprises dans la circonscription connues sous le nom de Wilmot, Wellesley et Woolwich. On a fait deux suggestions à l'époque, à savoir que la circonscription soit connue sous le nom long et difficile à prononcer, ou sous le nom historique et symbolique. Tous les intéressés ont pensé qu'on s'entendait pour l'appeler Kitchener—Conestoga. Cependant, ce n'était pas le nom qui figurait dans le projet de loi adopté par les deux Chambres. C'était un oubli de la part des parlementaires des deux Chambres.

Le sénateur Stratton : Honorables sénateurs, je crois que les noms de circonscription doivent être courts. Par conséquent, j'appuie entièrement l'idée qu'une circonscription soit désignée par deux noms plutôt que par cinq ou six.

Des voix : Le vote!

L'honorable Serge Joyal : L'honorable sénateur est-il disposé à répondre à une autre question?

Dans le passé, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a, à maintes reprises, adopté la même position à l'égard de changements de noms. C'était il y a cinq ans, si je ne m'abuse. Dans ses rapports sur ces projets de loi, le comité a clairement établi la procédure à suivre. Ces observations ont suivi le témoignage du directeur général des élections. Ce processus, tel que présenté par le comité, semble aussi pertinent aujourd'hui que lorsqu'il a été présenté la première fois et qu'il a été répété dans le dernier rapport. Si je me rappelle bien, ce dernier rapport a été préparé il y a approximativement deux ans. L'honorable sénateur a-t-il porté attention aux observations contenues dans ce rapport lorsqu'il a présenté ce projet de loi aujourd'hui?

(1710)

Le sénateur Mercer : Évidemment, honorables sénateurs, je porte attention à tous les rapports des comités sénatoriaux, au fur et à mesure qu'ils sont publiés. Avant d'être nommé au Sénat, j'ai moi aussi émis certaines critiques à l'égard des changements de noms parce qu'ils semblent se compliquer. J'étais heureux d'appuyer celui- ci parce qu'il ne s'agit pas d'une complication mais d'une simplification qui rectifie une honnête méprise de toutes les personnes concernées.

Mon collègue, le député de Kitchener—Conestoga, a consulté les représentants des autres partis politiques de sa circonscription pour s'assurer qu'ils comprennent bien la force qui motive ce changement. Il a même reçu une lettre d'un de ses opposants qui appuie cet effort, parce que tout le monde avait compris que c'est sous ce nom qu'ils briguaient les suffrages. C'était un tout nouveau nom à l'époque et il semble logique, lorsqu'il y a un nouveau nom lors d'élections, de ne pas le changer avant que l'encre n'ait séché sur le bref électoral.

Le sénateur Joyal : Je n'ai pas le rapport sous les yeux et je m'en excuse, mais la principale raison d'être du rapport a trait au fait qu'à tout changement doit correspondre un processus. Ce processus doit relever du directeur général des élections, de manière à ce que tous ceux qu'intéresse le changement de nom aient l'occasion de s'exprimer, à ce que l'arbitrage soit fait correctement et en temps opportun après la publication des résultats du recensement et, bien entendu, après la présentation, par la commission de délimitation des circonscriptions électorales, de ses conclusions et recommandations.

Je ne souhaite pas me prononcer sur les avantages du nom de Kitchener—Conestoga par rapport à une appellation à cinq noms. Je souhaite faire valoir qu'il faut respecter la nature du processus pour tout changement de nom.

Le sénateur Mercer : Je crois que le sénateur a raison, mais on a suivi le processus et tous supposaient que nous en étions arrivés à la même conclusion, à savoir que le nom de Kitchener—Conestoga serait retenu. Cependant, au moment de l'étude à la Chambre des communes, le changement qui devait avoir été fait ne l'a pas été. Le processus consultatif a eu lieu et il a débouché sur un accord. On a respecté le processus, selon moi, mais une erreur a été commise. Il nous est demandé aujourd'hui de corriger cette erreur de manière à ce que le nom soit maintenu selon ce qui a été convenu au départ.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : La question que j'ai à poser à l'honorable sénateur est motivée par le fait qu'il a dit que le processus avait suivi son cours. Le processus qui m'intéressait était le processus parlementaire. Je voulais savoir quelle argumentation on avait utilisée à l'autre endroit pour appuyer le projet de loi. J'ai donc consulté les délibérations des Communes.

Le 29 novembre, tout ce qui est consigné, c'est que le projet de loi a été présenté, qu'il a reçu la première lecture et qu'on en a ordonné l'impression. J'ai tenté de trouver plus d'information sur l'étude du projet de loi, et voici que le jeudi 2 décembre, le projet de loi a été réputé proposé, lu une deuxième fois, renvoyé au comité plénier, rapporté sans propositions d'amendement et lu une troisième fois. Voilà tout ce que dit le compte rendu. Ce n'est pas le grand débat qui a eu lieu à l'autre endroit qui nous en dit long sur le bien-fondé du projet de loi. L'honorable sénateur fera-t-il en sorte que nous ayons au comité et, au besoin, à l'étape de la troisième lecture, un débat plus conséquent qu'à l'autre endroit?

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, si vous lisez le compte rendu de notre assemblée, vous aurez une explication bien plus étoffée du projet de loi qu'il n'y en a eu à l'autre endroit. La démarche est bien engagée. Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, je peux donner aux honorables sénateurs l'assurance que nous aurons un vrai débat si tel est le voeu de mes collègues du comité.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mercer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

ADOPTION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ MIXTE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Trenholme Counsell, appuyée par l'honorable sénateur Adams, tendant à l'adoption du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement (mandat et quorum), présenté au Sénat le 24 novembre 2004.—(L'honorable sénateur Trenholme Counsell).

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre quelques minutes pour parler du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement et pour répondre à certaines des questions qui ont été posées lorsque j'ai proposé, pour la première fois, son adoption.

Je tiens à ajouter que j'ai obtenu des éclaircissements à ce sujet, mais que l'honorable sénateur qui a posé la question est absent aujourd'hui et je ne sais pas s'il lira le compte rendu.

Le rapport du 24 novembre 2004 est un rapport courant que le comité présente au début de chacune des sessions et qui sert à trois fins. Premièrement, il expose le mandat du comité; deuxièmement, il définit le quorum du comité et troisièmement il demande l'autorisation de siéger en même temps que le Sénat. J'aborderai brièvement chacun de ces points.

En ce qui a trait au mandat du comité, le rapport précise que le rôle du comité consiste à prodiguer des conseils aux Présidents des deux Chambres sur les orientations à prendre à l'égard de la bibliothèque et sur d'autres questions qui peuvent se présenter au sujet de la Bibliothèque du Parlement. Dans le Règlement du Sénat et le Règlement de la Chambre des communes, il n'est fait nulle part mention de la question du quorum. Toutefois il est dit au commentaire 806 de la 6e édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, que :

En ce qui concerne les comités mixtes, [le quorum] est fixé par la Chambre des communes, en consultation avec le Sénat

On peut lire ensuite, dans le commentaire 809, qu'en l'absence d'une décision claire des deux Chambres :

[...] le comité ne peut délibérer que s'il y a quorum des membres désignés par la Chambre, d'une part, et quorum des membres désignés du Sénat, d'autre part.

Lorsqu'il a parlé de ce rapport, le sénateur Corbin s'est informé de la composition de ce comité. En tout, il y a 17 membres, dont cinq représentent le Sénat et 12 représentent la Chambre des communes. J'ai les noms des membres si quelqu'un souhaite que je les énumère. Par conséquent, sans l'adoption de ce rapport, notre comité ne peut délibérer s'il n'y a pas au moins trois sénateurs et sept députés présents, soit 10 membres au total. Notre demande a pour but de faciliter nos travaux en cherchant un quorum plus facilement gérable, et cette demande est conforme avec les sessions précédentes.

Le rapport du comité, en date du 24 novembre, indique que :

Votre comité recommande que son quorum soit fixé à sept (7) membres, à condition que les deux chambres soient représentées et qu'un membre de l'opposition et un membre du gouvernement soient présents chaque fois qu'il y a une mise aux voix ou qu'une résolution ou une autre décision est prise, et que les coprésidents soient autorisés à tenir des séances afin de recevoir et de publier des témoignages en l'absence de quorum, à condition qu'au moins quatre (4) membres soient présents, dont un membre de l'opposition et un membre du gouvernement.

Le sénateur Corbin a également demandé pourquoi seulement cinq sénateurs avaient été nommés au comité, et non pas 17, comme le stipule le Règlement. Malheureusement, je ne suis pas certain de connaître la réponse à cette question, et l'honorable sénateur pourrait transmettre sa question au président du comité de sélection, qui serait plus qualifié pour y répondre. Toutefois, le nombre de sénateurs nommés par le Comité de sélection cette session-ci est conforme à la pratique des sessions récentes.

(1720)

Je voudrais parler de notre demande d'autorisation de siéger en même temps que le Sénat. Comme tous les sénateurs le savent, cette autorisation n'est normalement accordée que dans des circonstances exceptionnelles. Cependant, cette autorisation a été fréquemment accordée aux comités mixtes au début de chaque session.

Le sénateur Corbin a parlé des difficultés qu'il a éprouvées dans l'établissement de l'horaire des séances du Comité des langues officielles en raison du créneau temporel prévu. Je comprends et j'espère qu'on trouvera une solution, mais je demande au sénateur Corbin de songer à la difficulté de la situation s'il devait tenir compte de l'horaire de tous les comités de la Chambre des communes et du Sénat. Nous avons besoin de la plus grande liberté possible dans l'établissement de l'horaire des séances de notre comité, qui ne se tiennent qu'irrégulièrement. Cette autorisation a été accordée au Comité mixte permanent de l'examen de la réglementation pour la même raison.

Je ne puis que réitérer que cela constitue un rapport courant et rien de ce que nous avons demandé n'est nouveau. S'il est vrai que certaines de ces demandes s'écartent de la norme de fonctionnement des comités sénatoriaux permanents, les comités mixtes sont, par définition, différents. Nous demandons au Sénat de reconnaître les défis que nous devons relever et d'adopter ce rapport afin que nous puissions nous mettre sérieusement au travail.

[Français]

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, avec tout le respect que je porte à la coprésidente, je suis membre de ce comité pour faire avancer les dossiers. Je vous avoue honnêtement qu'avec quatre rencontres par année, il ne se fait pas grand-chose et, à mon avis, c'est un comité qui dort. Il y aurait tellement de choses à réaliser à ce comité. Très sincèrement, je suis complètement abasourdi par ce qui s'y passe. On a tenu une réunion expéditive. Cela s'est fait rapidement.

Dans un avenir rapproché, je ferai une déclaration publique sur ce comité. J'ai oublié le nom de la coprésidente; vous êtes la coprésidente pour le Sénat. Quand je vais me rappeler du nom de l'autre présidente, elle va se rappeler du mien, je vous le promets.

Le sénateur Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je regrette que nous n'ayons pas eu de réunion récemment. Nous avons essayé plusieurs fois de tenir une réunion, mais c'est très difficile avec les deux Chambres. La présence de l'honorable sénateur Lapointe sera une très bonne chose car nous pourrons avoir plus de discussions à nos réunions. J'espère que nous accomplirons plus de choses qu'au cours des dernières années. J'espère que vous allez soumettre vos opinions et donner vos conseils à ce comité et que vous allez continuer à en être membre.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande la permission de revenir à l'article no 2, sous la rubrique Projets de loi d'intérêt public des Communes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

PROJET DE LOI VISANT À MODIFIER LE NOM DE LA CIRCONSCRIPTION ÉLECTORALE DE BATTLE RIVER

DEUXIÈME LECTURE

Permission ayant été accordée de revenir aux projets de loi d'intérêt public des Communes :

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) propose : Que le projet de loi C-304, visant à modifier le nom de la circonscription de Battle River, soit lu une deuxième fois. — (L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-304 vise également à corriger une erreur d'écriture qui s'est glissée dans le décret de représentation électorale qui a été promulgué le 25 août 2003. Ce projet de loi, qui vise une circonscription de la province de l'Alberta, a pour objet de remplacer le nom de Battle River par celui de Westlock—Saint Paul. Il y avait eu entente à ce sujet, mais les données pertinentes n'ont pas été inscrites correctement à ce moment-là. Nous appuyons le projet de loi C-304 et nous sommes d'avis qu'il devrait être traité de la même façon que tous les autres projets de loi similaires et être soumis à l'étude du comité. Nous appuyons donc en principe ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, en toute justice pour le sénateur Mercer — et je crois que le leader de l'opposition sera d'accord — j'aimerais faire part au sénateur Kinsella des commentaires que j'ai déjà faits au sénateur Mercer.

Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, j'accepte les commentaires et interventions qui ont été faits dans ce dossier. J'espère que le comité auquel ce projet de loi sera soumis pour étude et analyse article par article se penchera sur cette question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LES INSUFFISANCES DU PROGRAMME POUR L'AUTONOMIE DES ANCIENS COMBATTANTS

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Catherine S. Callbeck, ayant donné avis le 7 octobre 2004 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les insuffisances actuelles du Programme pour l'autonomie des anciens combattants.

— Honorables sénateurs, mon interpellation figure au Feuilleton et Feuilleton des avis depuis le 7 octobre. Elle concerne les insuffisances du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Depuis cette date, j'ai eu de nombreuses discussions avec la ministre des Anciens Combattants et ses fonctionnaires. Je suis heureuse d'informer le Sénat que la ministre a annoncé, aujourd'hui, que les insuffisances de ce programme ont été comblées.

Je félicite la ministre d'avoir accordé priorité à cette question et d'avoir fait en sorte que les conjoints d'anciens combattants, dans tout le pays, soient traités avec équité et égalité. Grâce à cet élargissement du programme, les principaux dispensateurs de soins aux anciens combattants continueront à bénéficier des services qui leur sont devenus indispensables.

L'annonce faite aujourd'hui par la ministre signifie que le PAAC sera élargi en faveur de tous les conjoints survivants ou principaux dispensateurs de soins. Ces personnes continueront à recevoir des services d'entretien ménager et d'entretien de terrain si ces services étaient dispensés à l'ancien combattant au moment de son décès ou de son admission dans un établissement de soins prolongés. L'admissibilité à ce programme ne dépendra plus de la date à laquelle un ancien combattant est décédé ou à laquelle il a été admis dans un établissement de soins prolongés. Les prestations continueront d'être versées aussi longtemps que leurs bénéficiaires devront, pour des raisons de santé, demeurer autonomes à leur domicile.

Ce nouvel élargissement du PAAC pourrait toucher quelque 4 000 veuves, veufs et personnes dispensatrices de soins au Canada — eux qui ont tant donné à nos anciens combattants. Cela les aidera à rester en santé et indépendants dans leur propre maison et dans leur localité.

(1730)

Je félicite encore une fois la ministre de cette excellente nouvelle et j'invite tous les honorables sénateurs à faire de même.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

LE SYSTÈME PUBLIC D'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Elizabeth Hubley, ayant donné avis le 18 novembre 2004 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'opportunité d'établir un système public universel d'éducation postsecondaire en tant que programme social et économique national et l'adoption d'une loi fédérale définissant la mission, le rôle et les responsabilités du gouvernement en matière d'éducation postsecondaire.

— Honorables sénateurs, la grandeur d'une nation se mesure de différentes façons. D'aucuns s'entendraient pour dire que le Canada est une grande nation. Nous avons accompli tant de choses remarquables ensemble. Notre économie diversifiée et dynamique est alimentée par d'abondantes ressources naturelles et humaines. Les valeurs canadiennes de tolérance, d'égalité et de justice sociale, notre engagement envers les droits de la personne et notre préférence constante de la diplomatie et de la paix internationales à la guerre font de nous une nation tenue en haute estime de par le monde. Nous avons également établi des institutions politiques et sociales uniques, comme les régimes d'assurance-maladie et d'assurance-emploi universels, qui nous définissent en tant que nation. Or, il nous reste une réalisation nationale importante à accomplir, un indicateur de grandeur selon lequel nous continuons d'échouer.

Jusqu'à présent, dans notre histoire, honorables sénateurs, nous n'avons pas élaboré de système national d'études supérieures qui garantirait un accès égal à tous les Canadiens, peu importe leurs capacités et leurs circonstances financières. Dans toutes les régions du pays, nous avons d'excellentes universités et d'excellents collèges, d'éminents chercheurs et professeurs et des jeunes Canadiens doués pour les études qui sont animés des idéaux les plus élevés et du désir de contribuer au développement de leur pays.

Toutefois, honorables sénateurs, notre système actuel d'études supérieures est disparate et inéquitable; une réforme fondamentale s'impose. En tant que nation, nous n'avons pas énoncé notre vision collective de ce que devraient être les études supérieures. Nous ne nous sommes donné ni objectifs ni principes directeurs.

Les gouvernements fédéraux qui se sont succédés ont surtout joué un rôle de soutien indirect par l'intermédiaire de transferts financiers aux provinces, de fonds octroyés aux universités pour la recherche et le développement, du Programme canadien de prêts aux étudiants ainsi que d'autres systèmes de bourses d'études, de subventions et de régimes d'épargnes. Bien qu'il s'agisse là d'un rôle traditionnel que le gouvernement fédéral peut jouer sans prendre de risques, puisqu'il respecte la compétence des provinces en matière d'éducation, c'est également un rôle qui est dénué de vigueur et de vision.

L'une des conséquences de cet état de faits est que, au cours de la dernière décennie, l'investissement du gouvernement fédéral dans les études postsecondaires a diminué régulièrement et sensiblement, ne laissant pas d'autres choix aux universités et aux collèges que de récupérer le manque à gagner en exigeant des étudiants et de leur famille des frais de scolarité plus élevés et en imposant d'autres frais. L'endettement des étudiants a monté en flèche au cours de cette même période.

Mon interpellation a pour but de sensibiliser les honorables sénateurs aux défis et occasions de l'éducation supérieure au Canada et, espérons-le, de lancer un débat national sur cette très importante question de politique sociale et économique.

Comme le savent certains collègues, le Sénat n'est pas un nouveau venu dans ce domaine. En 1997, l'étude du Comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire a fait de vastes recommandations et demeure une excellente référence. Ce comité spécial avait été présidé par mon ami et collègue de l'Île-du-Prince-Édouard, l'honorable M. Lorne Bonnell.

Je crois qu'il est temps que le Sénat s'intéresse à nouveau de façon prioritaire à l'enseignement postsecondaire pour effectuer une étude et tenir des consultations. Je crois qu'il est temps d'examiner de nouvelles options et de nouvelles approches en vue d'établir un nouveau cadre qui servira à appuyer les études supérieures au Canada.

Il y a incontestablement une crise quant à l'accès et à l'abordabilité dans le système actuel. Cette crise est attribuable à l'augmentation en flèche des frais de scolarité des dix dernières années et à d'autres coûts universitaires, ainsi qu'à la croissance relativement lente des salaires. Selon Statistique Canada, les frais de scolarité moyens au premier cycle ont augmenté de 135,4 p. 100 de 1990-1991 à 2000-2001. Cette hausse est plus de six fois supérieure à l'inflation. Par conséquent, de plus en plus d'étudiants qui souhaitent et qui sont capables d'aller à l'université ou au collège ne peuvent tout simplement pas le faire ou concluent que c'est un trop grand risque financier.

En 1990, il fallait environ 137 heures de travail au salaire moyen dans le secteur industriel pour payer des frais de scolarité pendant un an. En 2003, le nombre d'heures nécessaires était passé à 221, une hausse de plus de 61 p. 100. L'augmentation est encore plus importante dans le cas des programmes de formation professionnelle. Actuellement, le Canada affiche des frais de scolarité parmi les plus élevés du monde industrialisé, tout juste derrière le Japon et les États-Unis.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, l'ACPPU, soutient que « les droits de scolarité sont à un coût moins abordable maintenant qu'à tout autre moment de l'après-guerre et qu'ils vont bientôt enregistrer un record historique. L'association est d'avis que « les universités canadiennes, en particulier, risquent de redevenir élitistes si les coûts continuent de grimper sans retenue. »

Des statistiques récentes montrent qu'on trouve au Canada l'un des plus hautes proportions au monde de personnes faisant des études universitaires. Toutefois, depuis 1991, au moment où les frais de scolarité ont commencé à augmenter, il y a eu un plafonnement de cette proportion ou du nombre total d'étudiants inscrits à des programmes de baccalauréat universitaire ainsi qu'une diminution considérable de la proportion de personnes inscrites à des études à temps partiel. Le seul groupe au sein duquel on a observé une hausse constante de la proportion de personnes faisant des études universitaires au cours des années quatre-vingt-dix est celui des jeunes Canadiens de 18 à 24 ans provenant de familles à faible revenu. C'est une progression dont nous pouvons nous réjouir, honorables sénateurs. Toutefois, il ne faut pas oublier que les personnes issues de familles à faible revenu sont 2,5 fois moins susceptibles de faire des études universitaires que les personnes issues des familles plus aisées. Les obstacles financiers continuent d'être l'un des principaux facteurs empêchant les jeunes Canadiens de poursuivre des études postsecondaires.

Le gouvernement actuel, c'est tout à son honneur, a présenté un certain nombre de mesures visant à remédier à cette injustice, notamment un programme de subventions visant les étudiants de première année d'université issus de familles à faible revenu, un relèvement des plafonds des prêts d'études canadiens et le projet de loi C-5, Loi canadienne sur l'épargne-études.

Le projet de loi C-5, Loi canadienne sur l'épargne-études, dont est maintenant saisi le Parlement, a été très critiqué par les étudiants, les universitaires et les associations de lutte contre la pauvreté. Il postule que les familles à faible revenu sont capables d'épargner pour l'éducation future de leurs enfants alors que pour la plupart ce n'est pas le cas. « Les pauvres n'épargnent pas, non pas en raison d'un manque de motivation ou d'incitation, » dit David Robinson de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, « mais parce qu'ils n'ont pas les ressources. » Il prétend que le gouvernement, avec des initiatives de ce genre, « ne fait que gratter la surface du vrai problème ».

Je suis d'accord avec lui. Des subventions limitées, des programmes d'épargne mal conçus et des prêts d'études accrus ne pourront pas vraiment supprimer les injustices structurelles qui existent, selon moi, dans notre système universitaire actuel.

Au cours de la dernière décennie, les paiements de transfert en espèces aux provinces aux fins de l'éducation universitaire ont été considérablement réduits et, par ricochet, les subventions accordées par les provinces aux universités ont diminué. Obligées de trouver d'autres sources de recettes, les universités ont augmenté les frais de scolarité et dépendent plus des contrats de recherche privés, des donations et des fondations. Cet état de choses a eu notamment pour résultat que l'université canadienne est de moins en moins une institution publique tenue d'agir dans l'intérêt public, et de plus en plus une institution privée.

Il est extrêmement important de signaler, honorables sénateurs, que les Canadiens n'ont pas opté pour cette voie de financement de l'éducation universitaire. Aucun gouvernement n'a fait campagne en faveur d'un changement de ce genre, ni n'a reçu le mandat de le faire. Nous avons plutôt dérivé vers une voie nouvelle, certainement en raison de compressions budgétaires et de la réduction du déficit, mais aussi en raison du fait que d'autres priorités nationales, comme les soins de santé, ont dominé l'actualité et que la compétence des provinces a permis au gouvernement fédéral de facilement négliger ou d'ignorer ses obligations financières à l'égard de l'enseignement supérieur.

(1740)

Honorables sénateurs, s'il y a une partie innocente que touche le retrait du gouvernement fédéral du financement de l'éducation supérieure, c'est l'étudiant. Des milliers de jeunes Canadiens qui poursuivent des études universitaires sont obligés d'emprunter des sommes élevées et lorsqu'ils obtiendront leur diplôme, au bout de quatre ans, ils crouleront sous le poids d'une dette estimée de 25 000 $ à 30 000 $. Je trouve cela inacceptable dans un pays que l'on considère comme un chef de file parmi les pays du G8, un pays qui tient vraiment à assurer son avenir social et économique.

Il y a deux semaines, deux de nos associations nationales d'étudiants ont tenu des réunions ici, à Ottawa. L'endettement étudiant qui monte en flèche était bien sûr le premier point à leur ordre du jour. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a dévoilé le chronomètre numérique de l'endettement étudiant pour en montrer les effets cumulatifs, en temps réel, aux quatre coins du pays. Le chronomètre de l'endettement atteignait 10,5 milliards de dollars il y a deux semaines seulement, et ce montant n'inclut pas la portion provinciale de 40 p. 100 ou les frais d'intérêts annuels qui ont totalisé 231 millions de dollars pour cette année seulement.

Ces chiffres sont bouleversants et je ne sais pas quelle autre preuve pourrait mieux montrer que nous avons échoué en tant que pays à appuyer de façon adéquate l'éducation postsecondaire et à aider les jeunes Canadiens à réaliser leurs rêves et leurs aspirations.

Nous avons créé une nouvelle classe sociale, celle des étudiants pauvres. De jeunes Canadiens n'ont d'autre choix que d'hypothéquer leur avenir pour acquérir les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour entrer sur le marché du travail et contribuer au développement de leur pays. Pour les diplômés qui ont assez de chance pour se trouver du travail, l'endettement est un boulet. Il limite leurs dépenses de consommation et en empêche plusieurs de poursuivre des études supérieures.

Honorables sénateurs, il existe d'autres approches en matière de financement et d'accès à l'éducation postsecondaire. En Europe, là où se trouvent dans une large mesure nos racines culturelles et philosophiques, plusieurs pays ont enchâssé dans leur constitution le principe de l'accessibilité universelle à l'éducation postsecondaire, en faisant ainsi un droit fondamental pour tous les citoyens. Les universités en Allemagne, au Danemark, en Suède, en Islande, en Irlande, en Norvège, au pays de Galles et en Écosse imposent des frais de scolarité très peu élevés ou n'en imposent pas. En France, dans les établissements d'enseignement publics, les frais de scolarité correspondaient à 124 $ US en 2001-2002. En Angleterre, l'accès à l'enseignement postsecondaire de base a été universel et gratuit pendant des décennies. On y impose des frais de scolarité minimes depuis quelques années en raison des pressions exercées par l'augmentation continue du nombre d'inscriptions et les déficits budgétaires.

C'est toutefois le modèle irlandais qui mérite peut-être qu'on s'y attarde le plus, car il est issu de la détermination d'un pays qui, pour des raisons d'une vaste portée sociale et économique, a décidé stratégiquement d'investir publiquement dans un système d'enseignement postsecondaire pleinement accessible et abordable. Au milieu des années 90, l'Irlande a entrepris un gigantesque programme de relance économique, et l'un des éléments centraux de cette relance a été la décision politique de réformer le système d'éducation, y compris la mise en oeuvre, en 1995, d'une politique de gratuité scolaire pour les études de premier cycle. Conformément à cette politique, l'Échiquier irlandais paie tous les frais de scolarité universitaire des étudiants inscrits à plein temps à des programmes de premier cycle d'une durée d'au moins deux ans. La plupart des étudiants ont aussi droit à une subvention des autorités locales, qui paient les frais des services aux étudiants. La seule condition que doit satisfaire un étudiant pour y avoir droit, c'est d'être un ressortissant de l'UE.

En Irlande, honorables sénateurs, tous les étudiants que cela intéresse et qui ont terminé les études exigées ont accès à l'enseignement postsecondaire, indépendamment de leur capacité financière. L'économie irlandaise a connu une période de croissance sans précédent au début des années 90 et tant les économistes que les dirigeants politiques attribuent une bonne part de la croissance du PIB et de la prospérité qui s'en est suivie aux réformes dans le secteur de l'éducation, notamment à la suppression des obstacles financiers à l'obtention de diplômes d'études postsecondaires.

De nos jours, il y a plus de 100 000 étudiants qui poursuivent des études collégiales et universitaires et qui sont devenus le moteur de l'économie irlandaise fondée sur le savoir. C'est aussi un argument important pour persuader d'éventuels investisseurs étrangers. Plus de la moitié des jeunes Irlandais poursuivent des études postsecondaires.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret d'informer l'honorable sénateur que son temps est écoulé. Madame le sénateur demande-t-elle la permission de conclure?

Le sénateur Hubley : J'aimerais avoir plus de temps.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Hubley : Honorables sénateurs, plus de la moitié des jeunes Irlandais poursuivent des études postsecondaires et environ 50 p. 100 d'entre eux sont inscrits dans des programmes menant à l'obtention d'un grade. Le miracle économique irlandais est l'histoire d'un projet, d'une planification imaginative et de la détermination d'un pays à garantir un accès universel à l'enseignement supérieur.

Prenant la parole récemment lors d'une conférence du Conseil de l'Europe qui a eu lieu à Dublin, le taoiseach, ou premier ministre irlandais, a déclaré ceci :

Je crois que le cas de l'investissement dans l'éducation en Irlande constitue une illustration péremptoire de la façon dont l'investissement dans le développement social peut renforcer l'atteinte d'objectifs économiques, ce qui permet à son tour la réalisation d'objectifs sociaux. L'Irlande a cessé de mettre la charrue devant les boeufs.

Ici, au Canada, honorables sénateurs, nous devons faire de même. Le moment du changement est venu. Le moment est venu de rétablir l'enseignement supérieur au Canada comme étant une priorité stratégique sur les plans social et économique du gouvernement fédéral. Un sondage Decima teleVox réalisé en octobre à la demande de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université semble souscrire à cette opinion. Lorsqu'on leur a demandé quelle devrait être la prochaine priorité du gouvernement fédéral après l'accord sur la santé négocié récemment, 23 p. 100 des personnes interrogées ont choisi la réduction de la pauvreté et du chômage, tandis que 22 p. 100 ont affirmé que la prochaine priorité devrait consister à rendre l'éducation plus abordable.

Seulement 17 p. 100 des Canadiens ont choisi les baisses d'impôts et 12 p. 100 ont privilégié la diminution de la dette. Les priorités les moins populaires ont été l'environnement, 8 p. 100, les dépenses militaires, 7 p. 100, et les garderies, 7 p. 100. Parmi les ménages ayant des enfants, 25 p. 100 ont estimé que la priorité la plus importante était de rendre les études postsecondaires plus abordables.

D'autres résultats du sondage Decima teleVox sont tout aussi probants. Par exemple, plus de la moitié des Canadiens estiment que le gouvernement fédéral devrait offrir la gratuité des études universitaires ou collégiales aux étudiants qualifiés qui sont sans ressources financières. Les habitants du Canada atlantique et du Québec appuient le plus fortement cette initiative. De même, plus de la moitié des répondants estiment qu'il faudrait garantir à tous les étudiants qualifiés une place dans une université ou un collège, même si des recettes fiscales supplémentaires doivent être consacrées au financement des études supérieures, tandis que près de deux Canadiens sur trois affirment que les droits de scolarité dans les universités et les collèges sont trop élevés.

En ce qui concerne l'accès, sept répondants sur 10 disent que les Canadiens à faible revenu ont moins de chance de faire des études postsecondaires. La plupart des Canadiens pensent également que la meilleure façon pour le gouvernement fédéral de rendre les études collégiales ou universitaires plus abordables est d'accroître le financement des établissements, de sorte qu'ils puissent réduire les droits de scolarité, au lieu de donner aux étudiants et à leurs familles un plus grand nombre d'allégements fiscaux et d'encouragements à économiser en vue des études.

Honorables sénateurs, ce sondage Decima teleVox prouve de façon convaincante que les Canadiens veulent que le gouvernement fédéral réinvestisse dans le financement des études postsecondaires et en fasse immédiatement une priorité dans tout le pays. Cependant, avant de réinvestir dans ce secteur, avant que nous ne modifiions encore le mécanisme, je crois fermement qu'un débat exhaustif s'impose à l'échelle nationale sur l'efficacité et la pertinence de ce mécanisme et sur la nécessité d'apporter d'autres réformes fondamentales.

(1750)

Nous devons réexaminer nos valeurs sociales en tant que nation et nous poser quelques questions fondamentales au sujet de la nature de l'enseignement public en ce début de XXIe siècle.

Honorables sénateurs, en 1851, l'Île-du-Prince-Édouard, ma province natale, qui était alors une nouvelle société coloniale, a adopté une mesure appelée loi sur l'enseignement gratuit et mis en place un des premiers systèmes d'écoles publiques en Amérique du Nord britannique.

En 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le principe du « droit à l'éducation », habituellement désigné par l'expression « droit à l'enseignement de base gratuit ». En 1948, le diplôme de 12e année était considéré comme le diplôme de base. Les détenteurs de ce diplôme pouvaient se tailler une place sur le marché du travail et bien gagner leur vie en occupant des emplois adéquats. Nous avons fait de la gratuité et de l'universalité de l'enseignement de base un investissement en capital humain justifiable et sain du point de vue économique.

Un demi-siècle après la déclaration des Nations Unies et dans le sillage des grands bouleversements économiques que nous avons connus, notamment des changements de cap révolutionnaires dans la demande en main-d'œuvre, un diplôme de 12e année n'est plus un diplôme de base. Un baccalauréat constitue une excellente expérience d'apprentissage qui prépare à une formation professionnelle ou universitaire, mais il n'est plus considéré comme un laissez-passer fiable sur le marché du travail. J'ai la conviction que nous devons modifier notre façon de penser et changer la définition d'enseignement public de base au Canada. En fait, un diplôme universitaire de premier cycle ou un diplôme d'études spécialisées au niveau collégial sont devenus des diplômes de base. Si nous sommes prêts à changer la définition et le seuil de l'enseignement public de base traditionnel, nous sommes aussi prêts à en défendre publiquement l'idée et à faire en sorte que l'enseignement de base devienne un droit fondamental pour tous.

Le Canada n'a pas à refléter le système d'enseignement supérieur américain qui impose des frais de scolarité extrêmement élevés, où la plupart des établissements sont sous-subventionnés et dépendent des frais de scolarité et où plusieurs se voient refuser l'accès. Nous pouvons regarder outre-Atlantique et nous inspirer d'autres modèles et d'autres systèmes en Europe où un diplôme d'études postsecondaires est un diplôme de base et où l'État joue un rôle central et stratégique.

Des idées novatrices et fort intéressantes ont été proposées dans notre propre pays, y compris l'établissement d'un paiement de transfert distinct du TCSPS qui serait spécialement affecté à l'éducation postsecondaire.

En septembre 2004, dans le cadre de sa présentation au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a recommandé l'abolition de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, des régimes enregistrés d'épargne-études et des Subventions canadiennes pour l'épargne-études ainsi que des bons d'études connexes en faveur d'un système national de subventions fondées sur les besoins.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université représente quelque 35 000 enseignants, bibliothécaires, chercheurs et autres professionnels universitaires. Elle estime que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle plus important dans le financement de l'éducation postsecondaire et a recommandé, en 1985, l'adoption d'une loi canadienne sur l'éducation postsecondaire comparable à la Loi canadienne sur la santé. Cette mesure législative fédérale modifierait les arrangements fiscaux actuels entre le gouvernement fédéral et les provinces et établirait un ensemble de principes nationaux pour l'éducation postsecondaire.

On s'entend de plus en plus pour dire qu'il est essentiel d'adopter les réformes majeures qui s'imposent depuis longtemps à l'égard du système d'éducation postsecondaire. Les réformes qu'on adoptera en bout de ligne, les nouvelles ententes de financement ou les nouveaux mécanismes de régie que nous mettrons en place dépendront de notre capacité et de notre volonté politique de parvenir à une nouvelle entente fédérale-provinciale. L'accord sur la santé conclu récemment illustre bien que, s'il y a un but ou un objectif réellement national, le Canada peut servir les intérêts de tous les Canadiens, peu importe l'endroit où ils vivent.

J'estime personnellement qu'on devrait s'employer à faire adopter un programme national d'éducation postsecondaire gratuit et universellement accessible. C'est un grand projet, peut-être le plus important changement que le Canada pourrait apporter, au début de ce siècle, à la configuration d'ensemble de sa politique sociale, un changement qui contribuerait à garantir notre avenir économique, mais cela est une opinion personnelle.

Honorables sénateurs, nous devons tenir un débat national complet sur l'éducation postsecondaire. Nous devons avoir recours à notre créativité et à notre inspiration. Nous devons être disposés à explorer de nouvelles idées et de nouvelles philosophies, en toute liberté et sans esprit de parti.

Dans le domaine de l'éducation, les réformistes viennent de tous les horizons politiques. Devant de faibles taux de participation et de réussite scolaire, l'ancien gouverneur démocrate de l'État de Géorgie, Zell Miller, a décidé, en 1993, d'agir. Le programme de bourses HOPE de Géorgie, entièrement financé par une loterie spéciale dans cet État, rembourse les frais de scolarité de tout étudiant qui est capable d'entrer au collège ou à l'université. Dans les collègues publics, cela a eu pour effet de faire augmenter les performances aux tests d'aptitudes SAT et la moyenne des notes dans l'ensemble du système, ce qui place la Géorgie au niveau des États de tête à ce chapitre à l'échelle nationale. Les solutions courageuses, audacieuses et clairvoyantes existent. Il faut seulement que nous les envisagions.

Pour terminer, je tiens à rendre hommage à madame le sénateur Callbeck et à la remercier d'avoir lancé le débat sur cette question importante. Peut-être qu'ensemble, honorables sénateurs, nous pourrons faire avancer ce dossier dans les semaines et les mois à venir.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, au nom du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 8 décembre 2004, à 13 h 30.)


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